Monsieur le Président de la République,
Je viens d’apprendre par la presse que je devrais me rendre au Palais de la République jeudi 26 mars à 11 :00 afin d’y être reçu par vous-mêmes à l’effet d’échanger sur la situation actuelle caractérisée par la pandémie du Covid-19 qui s’est également installée au Sénégal.
Cette information n’ayant pas été précédée d’une invitation de vos services, je retiens bien évidemment qu’il ne peut que s’agir d’une erreur de journalistes.
Néanmoins, au regard du contexte très particulier vécu par notre pays et aux souffrances à venir de nos concitoyens, je tiens à vous adresser le présent courrier qui me permettra de vous faire part de quelques remarques et suggestions ayant du reste déjà fait l’objet de publications de ma part. Elles ont ainsi pu vous être accessibles, et quelques-unes d’entre elles, ensuite prises sous votre autorité, ont déjà motivé des félicitations que je vous ai publiquement adressées pour la première fois depuis l’an 2012.
Dès lors, le présent courrier ne fera qu’insister sur des mesures qui pourraient être complémentaires à celles que vous avez déjà prises et allant toutes dans la bonne direction.
La restriction des rassemblements et déplacements ne peut qu’aller crescendo. Plus le rythme des mesures l’organisant sera élevé, plus la lutte contre l’épidémie se révèlera efficace.
Les mesures de confinement auront de graves conséquences sur l’économie informelle, précaire et journalière ; dans les villes mais aussi dans les campagnes où la réalité des productions agricoles est largement inférieure aux statistiques officielles. La grande majorité de la population sera sévèrement touchée. Il est donc essentiel de leur apporter une aide spécifique consistant à mettre à disposition dans les foyers les plus démunis et les plus exposés à la lourde crise économique qui s’abattra sur notre pays des moyens de se nourrir. Cela nécessite l’organisation d’une chaîne logistique et de solidarité n’existant pas à ce jour mais qu’il faut créer dans l’urgence.
Tous les Sénégalais seront affectés. Il est aujourd’hui possible d’introduire dans de nombreuses familles des moyens supplémentaires en remettant à leur disposition les économies qui seront créées par l’importante baisse du prix du pétrole ; cela peut être obtenu en réduisant celui de l’électricité à un niveau inférieur à celui d’avant décembre 2019.
Le grand dénuement des hôpitaux sénégalais ne permet pas la prise en charge de malades affluant en grand nombre, et en particulier de ceux nécessitant le recours à une assistance respiratoire. La Chine, pays ami du Sénégal, doit être mise à contribution pour livrer au Sénégal des respirateurs artificiels permettant d’équiper de nouveaux hôpitaux de campagne (déjà réalisés ou à monter) et des masques en grand nombre pour la protection du personnel soignant avant toute chose.
S’il est encore possible de disposer du bateau hôpital Mercy Ship, il convient de tout faire pour l’avoir à quai et profiter de ses nombreux lits et de son plateau médical de très grande qualité.
Le personnel soignant pouvant s’avérer insuffisant, celui déjà admis à la retraite devrait commencer à être identifié afin de pouvoir être rappelé en cas de nécessité. Le recours à l’assistance de médecins cubains devrait également pouvoir être envisagé et préparé.
Un protocole reposant sur l’administration de chloroquine obtient déjà des résultats encourageants en France après la Chine. Le Sénégal fut producteur de ce médicament par la SIPOA. Il est important de retrouver et réunir toutes les compétences pour en reprendre la production en grande quantité non seulement pour le Sénégal mais également les pays voisins du nôtre.
De très nombreuses entreprises, très petites, petites, moyennes ou grandes, souffriront de la crise économique qui s’installe et sera des plus sévères. Les ressources pour les aider auraient déjà été identifiées. Il est plus qu’urgent de définir en toute transparence les procédures par lesquelles l’accès à ces ressources sera possible et organisé. Cette aide doit privilégier la prise en charge totale ou partielle des revenus des personnels travailleurs.
D’énormes ressources seront brassées dans le cadre de procédures d’exception. Veillez à leur correct usage et, dans une attitude nouvelle, punissez avec toute la sévérité requise ceux qui seraient tentés d’en détourner des montants à leur profit propre ou à d’autres fins.
Nos compatriotes de la diaspora, dans les pays où ils se trouvent, sont également concernés par la pandémie. Tous nos consulats et ambassades doivent recevoir des consignes très fermes à se montrer très attentifs à leur sort. En particulier ceux qui pourraient être malheureusement atteints par le mal devront sentir le réconfort apporté par l’ensemble de la Nation à travers l’attention que leur portera le représentant de leur pays.
J’ose espérer que les lignes qui précédent pourront vous être utiles, et bien davantage que ne l’aurait été un entretien protocolaire et médiatisé de quelques minutes.
Je me permettrais d’ailleurs en dernier lieu de vous conseiller de consacrer une part de votre précieux temps d’audience à recevoir parmi les nombreux leaders sociaux que compte notre pays, ceux qui, à ce jour, ne seraient pas encore convaincus que les mesures de confinement, aujourd’hui partiel et sans doute demain total, sont les meilleurs moyens de lutte contre le Covid-19.
Au-delà d’eux, une campagne de communication bien pensée et prise en charge doit emporter également la conviction de l’ensemble de notre peuple. En effet, si décréter l’état d’urgence fut une bonne décision, les comportements individuels barrière restent malgré tout le meilleur rempart contre le Covid-19.
Soyez assuré que, plaçant l’intérêt de ma patrie avant toute autre chose et notamment toute considération politicienne, je resterai disponible pour donner tout conseil qui pourrait être utile à la lutte engagée dans notre pays contre le Covid-19.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma considération citoyenne.
Que Dieu (swt) sauve le Sénégal et l’humanité !
Abdoul Mbaye
Président de l’ACT