En octobre 2018, un modèle similaire de la compagnie Lion Air s’était abîmé en mer de Java tuant 189 personnes.
Pour la deuxième fois en quelques mois, un Boeing 737 MAX 8 s’est écrasé quelques minutes après son décollage. La sécurité de cet avion, central dans la stratégie du constructeur américain, est désormais remise en question,la Chine devenant le premier pays à le clouer au sol,avant d’etre suivie par l’Ethiopie dans la foulée.
157 passagers, et membres de l’équipage qui avaient pris place à bord d’un vol d’Ethiopian Airlines sur un Boeing 737 MAX 8 sont morts dans le crash pres d’Addis Abeba dimanche 10 Mars. Fin octobre, c’est un un modèle similaire de la compagnie indonésienne Lion Air qui s’était, lui, abîmé en mer de Java tuant 189 personnes.
“Il s’agit du même avion. Comme pour Lion Air, l’accident se passe très peu de temps après le décollage et les pilotes ont émis des messages pour dire qu’ils étaient en difficulté puis il y a eu perte de l’avion. Il est difficile de dire que cela ne ressemble pas au premier accident”, concède un expert aéronautique, qui a requis l’anonymat.
Les autorités chinoises ont elles aussi noté des “similitudes” entre les deux accidents. L’exploitation du 737 MAX 8 pourra reprendre lorsque les autorités américaines et Boeing attesteront “des mesures prises pour garantir avec efficacité la sécurité des vols”, ont-elles précisé.
Pour l’heure, “le pilote a mentionné qu’il avait des difficultés et qu’il voulait rentrer” et “il a eu l’autorisation” de faire demi-tour et de repartir vers Addis Abeba, a indiqué le PDG d’Ethiopian Airlines, Tewolde GebreMariam, lors d’une conférence de presse à Addis Abeba. On sait en outre que les conditions météorologiques étaient bonnes dimanche matin à Addis Abeba. Et dans le paysage aérien, Ethiopian est considérée comme une compagnie sérieuse.
Des problèmes déjà signalés après le crash en Indonésie
“Il s’agit seulement de similitudes et la comparaison s’arrête là dans la mesure où nous n’avons pas d’information fiable à ce stade”, a mis en garde de son côté Michel Merluzeau, directeur de Aerospace & Defence market Analysis.
Seules les données du vol et les conversations dans le cockpit contenues dans les deux boîtes noires de l’appareil pourront en effet donner des éléments tangibles sur les causes exactes de l’accident: problèmes techniques, erreur de pilotage ou la combinaison de plusieurs facteurs.
Mais depuis l’accident de Lion Air, le 737 MAX suscitait de nombreuses interrogations dans la communauté aéronautique alors que ce programme avait déjà rencontré des problèmes lors de son développement. L’avionneur Boeing avait même décidé de suspendre en mai 2017 les vols tests en raison d’un problème de qualité de fabrication du moteur produit par CFM, co-entreprise de l’américain General Electric et du français Safran.
Le rapport de l’enquête sur l’accident du premier 737 MAX de Lion Air le 29 octobre 2018 n’a à ce stade pas encore été publié. Toutefois, deux éléments en particulier suscitent des interrogations: le nouveau système-anti décrochage mis en place par Boeing, ainsi que la mesure d’indicateurs de vitesse.
Après le crash, la communauté aéronautique s’était en effet interrogée sur le manque d’information des compagnies et des pilotes sur le nouveau système anti-décrochage de Boeing. La fédération des pilotes américains avait alors mis en lumière un problème d’informations erronées des capteurs d’incidence (AOA, Angle of Attack sensor) “qui pourraient être le système causal de l’accident de Lion Air”. Un dysfonctionnement sur les AOA peut conduire l’ordinateur de bord, pensant être en décrochage, à mettre l’appareil en piqué alors qu’il faudrait au contraire le redresser. On ignore encore à ce stade la raison pour laquelle les pilotes n’ont pas pu reprendre le contrôle manuel.
L’une des boites noires de l’avion de Lion Air, retrouvée mi-janvier 2019, avait également pointé des problèmes d’indicateur de vitesse. Au cours du dernier vol de l’appareil, les pilotes ont demandé aux contrôleurs aériens quelles étaient leur vitesse et leur altitude, en expliquant avoir des “problèmes de commandes de vol”, selon le rapport préliminaire des enquêteurs indonésiens publié en novembre. Selon le site spécialisé Air Journal, des problèmes similaires de vitesse avaient également été signalés sur trois vols précédents.
Des sanctions probables en Bourse
Fin janvier, 350 exemplaires du nouveau biréacteur et mono-couloir avaient été livrés, sur 5011 commandes enregistrées par Boeing, soit un carnet de commandes équivalent à plus de sept ans de production au rythme actuel.
Ce nouvel accident est un coup dur pour Boeing dont la famille des moyen-courriers MAX est la version remotorisée du 737, best-seller de tous les temps avec plus de 10.000 exemplaires produits.
“Le MAX est un programme essentiel pour Boeing pour la prochaine décennie. Il représente 64% de la production totale du constructeur jusqu’en 2032 et il a des marges opérationnelles significatives”, explique Michel Merluzeau. “C’est un outil essentiel au transport mondial et au commerce international”, ajoute-t-il.
Il souligne que pour Boeing, les prochaines 24 heures seront “clés” d’un point de vue de la gestion de crise car le constructeur va devoir rassurer aussi bien les voyageurs, les compagnies que les investisseurs sur la fiabilité de son avion.
Dimanche, Boeing s’est déclaré “profondément attristée d’apprendre la disparition des passagers et de l’équipage du vol Ethiopian Airlines 302”, précisant qu’une équipe technique était mise à disposition pour aider l’enquête.
Pour l’expert ayant requis l’anonymat, Boeing va sans aucun doute être sanctionné en Bourse mais il souligne qu’in fine, les dégâts seront limités pour le groupe, en duopole avec l’européen Airbus. Et l’importance de cet avion est telle pour Boeing que si des corrections techniques devaient être faites, il les fera.