L’ex-collaborateur d’Emmanuel Macron est soupçonné d’avoir utilisé frauduleusement une vingtaine de fois ces documents après son licenciement de l’Élysée en juillet dernier. L’enquête a également été étendue aux infractions de «faux» et «usage de faux».
Déjà mis en examen dans l’enquête sur les violences commises en marge de la manifestation du 1er mai à Paris, Alexandre Benalla a été placé en garde à vue, ce jeudi, dans l’enquête ouverte sur l’utilisation controversée de ses passeports diplomatiques, après son limogeage de l’Élysée, a indiqué au Figaro le parquet de Paris, confirmant une information du Parisien.
Cette enquête, ouverte le 29 décembre dernier après un signalement du Quai d’Orsay, notamment pour «abus de confiance» et «usage sans droit d’un document justificatif d’une qualité professionnelle» a été étendue mercredi aux infractions de «faux, usage de faux et obtention indu d’un document administratif» après un signalement de la présidence de la République, a précisé le parquet de Paris. Si la procédure est menée à son terme, de tels chefs d’accusation constituent un crime, selon l’article 441-4 du Code pénal, et Alexandre Benalla encourerait une peine de quinze ans d’emprisonnement et 225.000 euros d’amende devant la cour d’assise.
Lors des auditions qui se sont déroulées mercredi devant la commission des lois du Sénat, le directeur de cabinet du président de la République, Patrick Strzoda, a révélé qu’Alexandre Benalla avait utilisé «presque une vingtaine de fois» ses passeports diplomatiques entre le 1er août 2018 et le 31 décembre 2018, soit après son licenciement de l’Élysée en juillet dernier. «Avec cet individu on découvre tous les jours des choses nouvelles», avait-il lâché. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a précisé avoir eu «confirmation» du Tchad et d’Israël que l’ex-collaborateur d’Emmanuel Macron était entré dans ces deux pays avec un passeport diplomatique.
Quatre passeports et de nombreuses questions
Des médias avaient révélé peu avant Noël que l’ancien collaborateur de l’Élysée disposait toujours de passeports diplomatiques et qu’il effectuait des voyages d’affaires auprès de dirigeants africains. Jean-Yves Le Drian a précisé devant le Sénat mercredi que l’ambassadeur de France à N’djamena était au courant du déplacement d’Alexandre Benalla les 5 et 6 décembre au Tchad mais n’avait pas jugé utile d’en informer sa hiérarchie et que lui-même n’en avait donc pris connaissance que le 24 décembre, via la presse.
Ces nouvelles auditions contredisent directement l’affirmation, faite par Alexandre Benalla lors de sa propre audition le 19 septembre, selon laquelle il avait laissé dans son bureau de l’Élysée les passeports diplomatiques qu’il avait utilisés dans le cadre de ses fonctions de chargé de mission à la présidence de la République. Patrick Strzoda a expliqué qu’un inventaire du bureau de l’ex-chargé de mission avait été effectué le 2 août, au lendemain de son départ de l’Élysée, et que les passeports ne s’y trouvaient pas. Il a également affirmé que les affaires personnelles de l’ex-collaborateur avaient été déposées dans un carton fermé qu’il n’est jamais venu chercher, malgré plusieurs sollicitations. «On est confrontés à un comportement fautif d’un individu qui a peut-être profité de failles du système», a-t-il dit.
Patrick Strzoda a également souligné qu’Alexandre Benalla avait été en possession de deux passeports de service, le premier délivré en 2016 «bien avant» son arrivée à l’Élysée, le deuxième le 28 juin 2018. Ils ont été invalidés le 31 juillet 2018, a-t-il ajouté. Il a affirmé au passage que la demande du second passeport de service avait été faite par Alexandre Benalla lui-même au ministère de l’Intérieur par une lettre à en-tête du chef de cabinet de l’Élysée, mais «dactylographiée» et non signée. En clair, a-t-il dit, «nous soupçonnons une falsification faite par M. Benalla», et l’Élysée en a saisi la justice.
Alexandre Benalla est lui-même convoqué par la commission lundi, de même que son acolyte Vincent Crase, ex-employé de LREM et chef d’escadron dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie. Les deux hommes avaient été mis en examen pour violence en réunion après des images montrant Alexandre Benalla frapper un manifestant en marge des défilés du 1er-Mai à Paris. Très vite, il était apparu comme un élément central du dispositif sécuritaire autour du couple présidentiel et l’affaire avait empoisonné l’été d’Emmanuel Macron.
le figaro