Donald Trump a choisi la solennité mardi 8 janvier en prenant la parole depuis le Bureau ovale de la Maison Blanche alors que l’administration fédérale entre dans son 18ème jour de paralysie partielle. Mais il a également choisi de changer de vocabulaire pour défendre la construction d’un mur à la frontière avec le Mexique. C’est cette question précisément qui est à l’origine de l’impasse budgétaire que traverse le pays, les démocrates refusant de débloquer les 5,7 milliards réclamés par le président américain pour construire ce mur. L’analyse de Jean-Eric Branaa, maître de conférence, spécialiste des Etats-Unis.
RFI : Donald Trump a parlé de «crise humanitaire», de «crise du coeur». Des mots que l’on n’a pas l’habitude d’entendre dans sa bouche lorsqu’il parle des migrants. Pourquoi a-t-il choisi ces mots, selon vous ?
Jean-Eric Branaa : C’est vrai que Donald Trump a légèrement changé de ton, hier (mardi soir). C’était un ton très grave, très présidentiel. Il essayait de se mettre au-dessus du débat et de rallier les Américains à sa cause. C’est pour cela, effectivement, que ce ton était différent. Et on a eu droit aussi à une liste à la Prévert de tout un ensemble de raisons pour lesquelles il fallait construire ce mur, avec beaucoup d’exemples qu’il voulait concrets, pour essayer de convaincre tout un chacun qu’effectivement il était dans son rôle, en essayant de remobiliser tout le monde pour ce but commun, qui était donc la construction de ce mur pour pouvoir protéger les Etats-Unis.
Et parmi les arguments avancés, Donald Trump n’a pas hésité à mettre en avant des arguments erronés, comme le fait, par exemple, que le taux de criminalité serait plus important chez les migrants illégaux que chez les Américains de souche ?
En réalité, on a surtout moins de fake news que d’habitude. Parce qu’il a pris soin de ne pas utiliser un argument qui avait été très décrié quelques jours auparavant, quand l’administration américaine avait expliqué qu’il y avait beaucoup de terroristes qui passaient au milieu de ces migrants et comme il savait que tout allait être vérifié, il a fait très attention à cela. Mais c’est vrai qu’on a eu, quand même, des erreurs assez grossières. Notamment quand il a parlé de la lutte contre la drogue, en mélangeant un petit peu tous les dossiers et en particulier celui de la cocaïne et des opiacés, ce qui un vrai fléau actuellement aux Etats-Unis, qui fait 300 morts par jour et qu’il a attribué, effectivement, à ces migrants et au trafic de drogue qui a lieu à la frontière. Ce qui n’est vraiment pas le cas.
Donald Trump qui n’a pas fait concession, même si, a-t-il dit, il accepterait que soit construite une barrière métallique plutôt qu’un mur. Est-ce qu’il joue sur les mots ou est-ce que la nuance est importante ?
Non, il a affectivement changé légèrement de ton. Et on a deux points très, très forts, notamment cette barrière en acier, plutôt qu’en béton. Parce que, a-t-il dit, c’est ce que demandent les démocrates. Et puis, surtout, ce changement très fort sur le vocabulaire, parce qu’il n’a pas parlé de «mur» dans cette allocution, mais il a parlé de «barrière». Ce qui est plus qu’un changement anodin, c’est vraiment du symbole. Ce mur – le mot même -, était utilisé pendant sa campagne, pour structurer l’ensemble de sa campagne. Donc le changer ce n’est pas rien. Il voulait, là, montrer qu’il était ouvert à une solution avec les démocrates. Donc c’est, là, pour lui, la main tendue. Main, qui bien sûr, va être refusée et donc il pourra blâmer les démocrates de ne faire aucun effort.
RFI