Pendant longtemps, monsieur le préfet de Dakar, je me suis dit que vous ne valiez pas la peine de perdre un moment de mon temps pour écrire des lignes sur ce dont vous étiez en réalité le nom : un Sall préfet politicien. Mais je me suis trompé. Vous en conviendrez avec moi, notre Sénégal en vaut la peine.
Le lundi 17 décembre 2018, l’Union des Distributeurs de Produits de Télécommunication au Sénégal (UDPTS), le Collectif des ex travailleurs du Bureau Veritas et le FRAPP FRANCE DEGAGE ont déposé sur votre table une déclaration de rassemblement suivi de marche devant se tenir le samedi 22 décembre 2018 de 14 heures à 20 heures de la Place de l’Obélisque à la RTS.
Le jeudi 20 décembre, le président de l’UDPTS est allé à la police de Médina pour l’enquête relative à cette manifestation. C’est le samedi 22 décembre même, jour de la manifestation, que nous avons reçu l’arrêté d’autorisation de notre manifestation à 12h48 minutes soit 01h12 minutes avant le début de la manifestation. Pire Monsieur le Sall préfet politicien, le Collectif des citoyens sénégalais a déposé sur votre table une déclaration de manifestation le mercredi 26 décembre 2018 à partir de 15 heures pour des élections libres et transparentes c’est à dire notamment qui ne sont pas organisées par l’actuel ministre de l’intérieur Aly Magouille Ndiaye. Jusqu’au moment où je déposais cette lettre ouverte à vous adressée ce matin du 27 décembre 2018 ces citoyens n’avaient pas encore reçu un arrêté leur notifiant l’autorisation ou l’interdiction de leur manifestation.
Monsieur Alioune Badara Sambe, Sall préfet politicien, honte à vous qui usez régulièrement de ce genre de stratagèmes pour réduire le nombre de manifestants consistant à attendre le dernier moment pour remettre leur arrêté aux citoyens qui souhaitent manifester. En cela vous participez à la consolidation de la détestable république du « Kumba am ndey, kumba amul ndey ».
Dans votre arrêté d’autorisation – en réalité un arrêté d’interdiction – vous nous avez accordé de manifester de 14 heures à 16 heures, un samedi, en lieu et place de notre déclaration de manifester de 14 heures à 20 heures. Quels sont les sénégalais qui déjeunent avant 14 heures le samedi ? Comment les manifestants pourront-ils se rassembler à la place de l’Obélisque et marcher jusqu’à la RTS de 14 heures à 16 heures ? Qu’est-ce que les citoyens opprimés par Orange, des travailleurs restés 12 mois sans salaire (PCCI), des travailleurs licenciés arbitrairement (Bureau Veritas), les citoyens de Guinaw Rails enclavés par l’autoroute à péage et le TER et les anti-impérialistes du FRAPP FRANCE DEGAGE ont-ils de moins que les autres ? Sur tout cela, vous êtes resté aveugle n’ayant d’yeux que pour vos intérêts bassement personnels que vous procurent votre chef, le ministre, Aly Magouille Ndiaye et le préfet de la France au Sénégal le président de la république Macky Sall. Honte à vous monsieur Alioune Badara Samb, Sall préfet politicien.
Inutile de vous rappeler que vous avez interdit deux manifestations du Collectif pour la justice et contre les violences policières. En faisant cela vous assassinez une deuxième fois Pape Sarr, Seck Ndiaye, Elimane Touré, Abdoulaye Timera, Fallou Sène, assassinés par des policiers et gendarme, en voulant imposer une omerta. Et pourtant, l’Etat du Sénégal a signé des conventions contre la torture. Autrement dit, si les citoyens que nous sommes voulons dénoncer le fait qu’il n’y ait pas eu d’arrestations dans les heures qui ont suivi la mort des torturés que furent Pape Sarr et Seck Ndiaye, cette dénonciation ne peut être que salutaire. Honte à vous monsieur Alioune Badara Samb, Sall préfet politicien.
Inutile de vous rappelez que vous avez empêché la tenue d’une manifestation des demi-grossistes opprimés par Orange qui devait se tenir devant l’agence de Orange sur la VDN au motif fallacieux que ces demi-grossistes n’étaient pas des travailleurs de Orange. Honte à vous monsieur Alioune Badara Sambe, Sall préfet politicien.
Tous ces citoyen.ne.s peuvent parler comme Blas de Otero, poète espagnol antifranquiste :
« on ne laisse pas voir ce que j’écris
Car j’écris ce que je vois »
La veille d’une des manifestations de l’opposition, vous m’aviez appelé de la part du ministre Aly Magouille Ndiaye. Vous aviez dit que nous, FRAPP FRANCE DEGAGE, n’étions pas comme « ces politiciens » car, nous nous battions pour des principes mais que vous ne compreniez pas pourquoi est-ce que nous pouvions être aux côtés de ces derniers dans des manifestations. Vous êtes allés jusqu’à dire que vous pouviez arranger un rendez-vous avec le ministre de l’intérieur et le président de la république au sujet du franc Cfa, des APE, de l’évaluation des accords de Cotonou…De la même manière que vous m’avez raconté énormément de choses sur les leaders de l’opposition les unes plus hideuses que les autres, de la même manière votre chef, Aly Magouille Ndiaye, est allé raconter des choses sur ma modeste personne aux leaders de l’opposition. Vous ne m’en voudrez pas, monsieur le préfet, de raconter cette épisode pour que les citoyens sénégalais sachent à quoi s’en tenir quand ils discutent avec vous.
La liste de vos hauts faits de Sall préfet politicien est longue. Très longue.
La sagesse populaire sénégalaise dit souvent : « buur ayul, dagg ye ay ». C’est assez proche du propos du Compte Honoré Gabriel de Mirabeau : «Il existe quelqu’un de pire qu’un bourreau, son valet». N’est-ce pas ? Pour ma part je pense qu’il s’agit d’un partage de rôle entre celui qu’on appelle le « buur » ou le « bourreau » et le « dagg » ou le « valet ». Et vous ?
Il ne vous est pas demandé de soutenir les opprimés contre les oppresseurs. Ce serait trop vous demander peut-être.
Il vous est juste rappelé que la république c’est aussi la gestion démocratique des contradictions.
Vous n’êtes pas obligé d’être un « xajum sam, xajum topate » de Aly Magouille Ndiaye et du petit télégraphiste de Paris qu’est le président Macky Sall. Mais vous êtes obligé de laisser les citoyens sénégalais manifester en appliquant la loi de manière générale et impersonnelle. Chaque fois que les citoyens sénégalais souffriront que vous n’ayez pas agi pas comme le commande la république, sachez que les sénégalais démocrates en pensée, en parole ou par écrit vous traiteront de Sall préfet politicien.
Une note de rappel, note d’espoir.
A notre manifestation du samedi 22 décembre 2018, à partir de 16 heures et une seconde, nous étions dans l’illégalité. Votre illégalité. L’UDPTS, le Collectif des travailleurs licencié par Bureau Veritas, le Collectif pour le désenclavement de Guinaw Rails, des travailleurs de PCCI et le FRAPP FRANCE DEGAGE ont marché de la place de l’Obélisque à la RTS au-delà de l’heure mentionnée sur votre arrêté. Les policiers nous ont bloqué. Nous avons insisté. Ils ont continué à nous bloquer jusqu’à ce que le commandant du corps urbain du commissariat de la Médina reçoive l’ordre de nous laisser marcher. Moralité de l’histoire : seule la lutte libère. Aux Sall préfets politiciens il faut opposer la résistance la plus rude. Le peuple ne s’impose quand s’opposant.
Pour conclure et non terminer, je vous laisse avec Thomas Sankara :
« Malheur à ceux qui bâillonnent leur peuple »
Par Guy Marius Sagna
Dakar, le 27 décembre 2018