La maladie d’Alzheimer est évoquée lorsque différents symptômes neurologiques (troubles de la mémoire, de l’orientation…) ont un impact sur la vie quotidienne. Mais selon l’importance de ces symptômes pour chaque patient, il serait possible de classer les malades selon plusieurs catégories distinctes et ainsi leur proposer des traitements plus adaptés.
Aujourd’hui, tout le monde a entendu parler de la maladie d’Alzheimer. Pourtant, le grand public n’est pas toujours bien informé et la maladie fait encore l’objet de nombreuses idées reçues. Comme l’explique l’Inserm, la maladie d’Alzheimer est une lente dégénérescence des neurones, qui débute au niveau de l’hippocampe puis s’étend au reste du cerveau. Elle se caractérise par des troubles de la mémoire à court terme, des fonctions d’exécution et de l’orientation dans le temps et l’espace. « Environ 900 000 personnes souffrent de la maladie aujourd’hui en France. Elles devraient être 1,3 million en 2020, compte tenu de l’augmentation de l’espérance de vie. », explique-t-il.
Son diagnostic repose sur des tests des fonctions cognitives et sur des tests neuropsychologiques qui permettent d’évaluer la nature et la sévérité des troubles (perte de mémoire, orientation spatio-temporelle, fonctions d’exécution…). Quant à son traitement, il n’en existe pas capable de guérir ou stopper l’évolution de la maladie, tel est l’enjeu de la recherche actuelle. Dans ce domaine, des chercheurs américains suggèrent que le fait de considérer la maladie d’Alzheimer non pas comme une mais comme six conditions distinctes pourrait constituer un moyen de progresser. Ils ont ainsi créé une approche pour « classer les patients », dans le but d’ouvrir la voie à des traitements plus personnalisés.
« Les sujets ne présentent pas le même type de maladie »
« La maladie d’Alzheimer, à l’instar du cancer du sein, n’est pas une seule et unique maladie. », explique l’auteur principal de l’étude, le Pr Shubhabrata Mukherjee de la faculté de médecine de l’Université de Washington. « Je pense qu’un bon médicament pourrait échouer dans un essai clinique car tous les sujets ne présentent pas le même type de maladie d’Alzheimer. » Les chercheurs ont réparti 4 050 personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer d’apparition tardive en six groupes en fonction de leur fonctionnement cognitif au moment de leur diagnostic. Ils ont ensuite utilisé des données génétiques pour trouver des différences biologiques entre ces groupes.
« Nous avons constaté des différences biologiques importantes entre les sous-groupes de patients atteints de la maladie d’Alzheimer. », précise Paul Crane, professeur de médecine à la faculté de médecine de l’Université de Washington. Pour les scientifiques, c’est l’identification de ces sous-groupes de malades, liés aux différences génétiques, qui permettrait de développer une médecine de précision pour mieux les traiter. Les participants d’un âge moyen de 80 ans ont passé des tests cognitifs dans quatre domaines : la mémoire, le fonctionnement exécutif (capacités d’attention, de planification, d’organisation…), le langage et le fonctionnement visuospatial (le fait de s’orienter dans l’espace).
Des groupes établis selon les compétences cognitives en baisse
Les résultats ont montré que dans le groupe 1, le groupe le plus important avec 39% des patients regroupés, ces derniers ont obtenu des scores assez proches dans les quatre domaines. Pour le groupe 2 (27%), les scores de mémoires étaient nettement inférieurs à leurs autres scores. En ce qui concerne le groupe 3 (13%) ce sont les compétences linguistiques qui s’avéraient plus bas que les autres, de même pour le fonctionnement visuospatial pour le groupe 4 (12%) et les fonctions exécutives pour le groupe 5 (3%). Enfin, les patients regroupés dans le sixième groupe (6%) avaient la particularité de présenter simultanément deux domaines sur quatre dans lesquels leurs scores étaient inférieurs.
Par ailleurs, en se basant sur le croisement des données génétiques des patients avec leurs scores, les chercheurs ont constaté que 33 polymorphismes nucléotidiques (forme la plus abondante de variations génétiques dans le génome) sont associés à ces différents sous-groupes. L’étude a aussi mis en évidence une forte relation entre une variante du gène APOE et le risque pour le sous-groupe « mémoire ». « L’allèle APOE e4 est un facteur de risque important de développement de la maladie d’Alzheimer chez les personnes d’ascendance européenne. Il semble également influencer le sous-type cognitif d’Alzheimer qu’une personne est susceptible de développer. », expliquent les auteurs.
Pour les personnes qui le souhaitent, il est désormais possible de savoir qui est porteur de l’allèle APOE e4 grâce aux tests génétiques. Mais les chercheurs tiennent à préciser que de nombreuses personnes atteintes d’un allèle APOE e4 ne développent jamais la maladie d’Alzheimer tandis que d’autres personnes ne possèdant pas de facteur de risque génétique connu finissent par en être atteints. « Alors que les leaders mondiaux veulent trouver un traitement pour Alzheimer d’ici à 2025, jusqu’ici personne n’est parvenu à développer un traitement efficace. Cette étude suggère que penser à Alzheimer comme six conditions distinctes pourrait constituer un moyen d’avancer. », concluent-ils.