«Congo Files»: le compromis d’Antonio Guterres

C’est une fuite sans précédent. Des milliers de pages de documents confidentiels des Nations unies relatifs à l’assassinat de deux experts mandatés par le Conseil de sécurité. Michael Sharp et Zaida Catalan avaient été chargés d’enquêter sur les violences en République démocratique du Congo. Les « Congo Files » documentent les pistes et options levées par les enquêteurs ainsi que les multiples entraves qu’ils ont rencontrées entre mars 2017 et septembre 2018. Leur exploitation a fait l’objet d’une collaboration entre plusieurs médias internationaux : RFI, Le Monde, Foreign Policy, Süddeutsche Zeitung et la télévision suédoise SVT. Ces documents révèlent l’existence d’un tiraillement au sein du système onusien entre sa recherche de la vérité et une certaine realpolitik. Les deux premiers volets de cette enquête sont cosignés par Sonia Rolley (RFI) et Joan Tilouine (Le Monde).

« Le monde n’est pas vraiment beau. Et parmi les jeunes hommes et les jeunes femmes qui veulent le rendre meilleur, certains perdent leur vie. Vous n’êtes pas les seuls dans ce cas ». Cette vision du monde sans états d’âme est celle de Greg Starr. Le patron du comité d’enquête des Nations unies s’est rendu dans la ville suédoise de Kalmar en cette fin de mois de juillet 2017 pour rencontrer Elizabeth et Maria Morseby. La mère et la sœur de la Suédo-Chilienne Zaida Catalan, experte des Nations unies tuée quatre mois plus tôt avec son collègue américain Michael Sharp dans la province tourmentée du Kasaï Central, au cœur de la République démocratique du Congo (RDC), espèrent sans trop y croire le convaincre d’exiger une enquête indépendante.

Il s’exprime d’une voix froide avec l’aplomb d’un vieux diplomate fier de sa carrière de quarante ans et qui ne change pas de ton lorsqu’il s’exprime devant une famille en deuil. Le corps de Zaida Catalan a été retrouvé. Pas sa tête, coupée. « Je crois sincèrement qu’ils n’avaient pas l’entraînement approprié et qu’ils ne comprenaient pas les risques qu’ils prenaient », lâche-t-il. Insensible, M. Starr se lance dans un laïus de plus de deux heures. Il disserte sur « la brutalité qui continue de sévir en Afrique » et partage ses analyses géopolitiques et sa vision de l’ONU. Il ne se soucie guère de la fragilité des femmes qui lui font face et l’écoutent doctement tout en l’enregistrant, à son insu. Un document sonore auquel nous avons eu accès. « Nous mettions déjà en cause son objectivité, confie aujourd’hui Elisabeth Morseby. Pour nous, il était évident que Greg Starr avait un agenda ».

Chez les Morseby, Greg Starr vient livrer sa vérité. Il rentre de RDC où il a été dépêché par le secrétaire général des Nations unies dix jours, début juin, pour établir les faits sur l’assassinat des deux experts. Le comité d’enquête rendra son rapport confidentiel et très attendu quelques jours plus tard, le 2 août. Quand les Nations unies annoncent la création de ce comité, l’organisation promet qu’il ira jusqu’au bout, jusqu’à chercher les auteurs de ce crime unique dans son histoire, mais aussi les commanditaires. Toutefois, dans sa lettre du 15 août 2017 adressée au Conseil de sécurité, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, endosse les conclusions du rapport mais en revient à la définition stricte d’un « Board of Inquiry », c’est-à-dire une enquête administrative censée permettre aux Nations unies d’établir les faits et surtout de faire des recommandations pour éviter que « l’incident » ne se répète.

Des policiers onusiens « africains et pas bien formés »

Les Morseby improvisées espionnes avaient peut-être une bonne intuition. Le rapport du comité d’enquête piloté par M. Starr valide la thèse d’un assassinat perpétré par les miliciens Kamuina Nsapu, des groupes politico-mystiques constitués après la mort de leur chef, un leader traditionnel tué un an plus tôt par les forces de sécurité congolaises. « Le groupe de miliciens a tué M. Sharp et Mme Catalan », peut-on lire dès la deuxième page du rapport confidentiel. Les autres versions sont qualifiées de « théories » et écartées. Puis, ce sont les deux défunts experts qui se retrouvent sur la sellette, accusés de désinvolture pour avoir circulé à moto et ne pas avoir officiellement tenu informé la mission de l’ONU en RDC (Monusco) de leur déplacement et de non-respect des protocoles de l’organisation.

Dans son rapport, le comité d’enquête pointe aussi la culture du « secret » des experts dans leur travail qui pourrait avoir « inhibé leur volonté à solliciter une assistance en matière de sécurité ». Depuis 2003, l’ONU a décrété un embargo sur les armes au Congo et nomme chaque année des experts indépendants chargés d’enquêter sur les exactions, leurs auteurs et les Etats qui les soutiennent. Plutôt que le terme « experts », le comité d’enquête suggère de les renommer « Sanctions monitors », « un terme plus approprié et [qui] décrit mieux leur rôle et fonction ». Pour les familles des victimes comme pour plusieurs cadres de la Monusco qui ne s’expriment que sous couvert d’anonymat, ces conclusions ont des airs « d’insultes posthumes destinées à cacher la vérité ».

« On avait entendu dire que la police de l’ONU (UNPOL) enquêtait et nous avons essayé de poser à Greg Starr des questions là-dessus », s’emporte encore la jeune sœur de Zaida Catalan. L’ancien diplomate américain ne leur dit rien de ces investigations, pourtant minutieuses. Dans le document audio de leur conversation, le patron du comité d’enquête dénigre sans ambages les membres d’UNPOL : « La plupart d’entre eux sont originaires de pays africains. Ce ne sont pas des enquêteurs criminels bien formés ».

Pourtant, en ce mois d’août 2017, à Kananga, la capitale du Kasaï Central, les limiers onusiens accumulent de plus en plus d’éléments troublants. Malgré tous les mensonges et les entraves, ils sont parvenus à obtenir des centaines de pages de fadettes des principaux protagonistes du drame, versées dans les « Congo files » auxquels Le Monde, RFI, Foreign Policy, Süddeutsche Zeitung et la télévision suédoise ont eu accès.

La « ligne » que l’ONU ne veut pas franchir

« Sans dévoiler son identité à l’autorité judiciaire », les policiers de l’ONU ont obtenu le listing des appels et SMS des numéros d’un colonel de l’armée congolaise. Ce dernier s’appelle Jean de Dieu Mambweni. Il est soupçonné d’avoir servi « d’intermédiaire entre les deux experts et leur interprète Betu Tshintela », notent les enquêteurs d’UNPOL dans une note interne du 12 juin 2017 soulignant qu’il a été affecté, trois jours plus tôt, à Mbuji Mayi, la grande ville diamantifère à 180 km plus à l’est. Une manière d’éloigner ce militaire dont l’audition sera réclamée des mois durant ? Il sera toutefois entendu devant le tribunal militaire de Kananga, le 18 octobre 2018, et niera fermement avoir joué un quelconque rôle dans ces assassinats. Interrogé sur ses contacts téléphoniques avec l’un des assassins présumés lors de ce procès auquel seule la télévision nationale congolaise était autorisée, il répond tout de go : « Ce n’est pas vrai ! J’étais sur la route et je n’avais pas de réseau. Et à mon retour, je n’avais plus de batterie dans mon téléphone ».

Pourtant, selon les fadettes obtenues par la police de l’ONU, les téléphones du colonel n’étaient pas éteints le jour du meurtre. Il n’a pas moins de 45 échanges et son appareil se connecte même au moment où les experts sont assassinés à l’une des antennes relais les plus proches de la scène du crime. Plus troublant encore, le colonel Jean de Dieu Mambweni est en contact, le jour de l’arrivée des experts, le 8 mars 2017 à Kananga, avec celui qui sera pendant des mois le témoin vedette du procès, avant d’être inculpé. C’est Jean Bosco Mukanda, enseignant à Bunkonde mais surtout ancien chef de milice à la solde de l’armée congolaise. Ce même-jour, ce dernier s’entretient aussi avec Vincent Manga qu’il va pourtant désigner lors du procès comme l’un des chefs Kamuina Nsapu commanditaire de l’assassinat.

La cartographie des réseaux humains que permettent d’établir les fadettes est parsemée d’agents de renseignements, de militaires et d’informateurs des services congolais. Autant d’indices et de pistes qui seront ignorés par le siège des Nations unies. « L’opinion du comité est que les informations qui circulent sur l’implication de différents individus et organisations gouvernementales ne donnent pas la preuve d’une intention ou d’un motif clair de la part de ces individus », peut-on lire dans le rapport du comité d’enquête dirigé par Greg Starr. Il relève pourtant quelques pages plus tard que « les sanctions avaient généré de la colère chez les Congolais » et « qu’il n’y a pas suffisamment de prise de conscience au sein du système des Nations unies et des experts eux-mêmes des risques accrus dans leur travail liés à ces tensions, que ces sanctions ou menaces de sanctions proviennent des Nations unies ou pas ».

Aux familles éplorées, Greg Starr ne cache pas qu’il se refuse à froisser Kinshasa. Il arrange ses versions en fonction de ses interlocuteurs et multiplie les manœuvres florentines, toujours au nom d’une certaine realpolitik assumée. « Nous ne voulons pas que le rapport soit trop dur [à l’égard des autorités congolaises] pour qu’elles ne rompent pas la coopération, se justifie-t-il au téléphone avec les parents de l’expert américain assassiné, Michael Sharp. Il y a une ligne que je ne veux pas franchir, vous savez, en terme de les impliquer ou autre ».

Le sort de l’enquête indépendante scellé sur Park Avenue

Officiellement, le patron du comité d’enquête de l’ONU a transmis toutes les informations et les pistes d’UNPOL aux autorités américaines et suédoises qui n’ont jamais pu enquêter dans le pays. Le 17 août 2017 quand les conclusions du rapport de Greg Starr fuitent dans la presse, l’ambassadrice américaine auprès des Nations unies vitupère contre une « procédure bureaucratique ». Elle exige du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, « une enquête approfondie ». Ce dernier se refuse à prendre la responsabilité seul, et le grand jeu des puissances siégeant à l’ONU s’occupera du reste. « L’Egypte [alors à la tête du Conseil de sécurité et du comité de sanctions pour la RDC entre 2016 et 2017] était opposée à toute enquête indépendante (…) Et je n’ai jamais eu l’impression que les Etats-Unis étaient partisans de cette option », confie aujourd’hui le diplomate américain Jeffrey D. Feltman, alors sous-secrétaire général en charge des affaires politiques.

Le dossier du meurtre des deux experts est d’ailleurs discuté en toute discrétion, à New York, lors d’un déjeuner à la résidence de l’ambassadeur d’Egypte, sur Park Avenue. Autour de la table, il y a Antonio Guterres et des représentants d’Etats siégeant au Conseil de sécurité, se souvient M. Feltman également présent. Le Russe et le Chinois se montrent hostiles à une enquête indépendante. De son côté, le chef de la diplomatie congolaise multiplie les déclarations publiques comme les rencontres bilatérales, mettant en garde contre tout dessein d’atteinte à la souveraineté. A la résidence égyptienne, « nul n’insiste vraiment, selon M. Feltman qui semble vouloir faire porter la responsabilité aux Etats. D’autres options ont été évoquées ». Le sort d’une enquête indépendante s’est en tout cas scellé sur Park Avenue lors de cette rencontre informelle.

Le secrétaire général repart avec l’aval des membres du Conseil pour mettre en place le « mécanisme de suivi » recommandé par son comité d’enquête. Il s’agit d’une équipe d’experts de l’ONU chargée d’appuyer la justice militaire congolaise. Même si celle-ci est vilipendée depuis des mois, éléments à l’appui, par les différentes équipes d’enquête de la Monusco.

Au sein du système onusien, les options levées par Greg Starr et Antonio Guterres divisent. Il y a d’un côté les partisans d’un statu quo évitant toute confrontation avec ce partenaire compliqué qu’est Kinshasa, privilégiant la politique sur la recherche de la vérité. De l’autre, des cadres, des haut-responsables et des anciens collègues de Michael Sharp et Zaida Catalan, qui militent pour une enquête intransigeante et l’exploitation des conclusions de l’enquête d’UNPOL. « Starr visait juste à trouver un moyen, dans un grand vide administratif d’exonérer les Nations unies de toute responsabilité, avec l’espoir que ce problème disparaisse », confie l’un d’entre eux.

Extrait du rapport confidentiel de la visite à Kinshasa de l’envoyé spécial du secrétaire général venu négocier avec les autorités congolaises la mise en place du «mécanisme de suivi». 

Le 7 septembre 2017, l’envoyé spécial de l’ONU pour les Grands Lacs, Said Djinnit, envoie un télégramme confidentiel à son patron, Jeffrey D. Feltman. Il lui raconte son voyage quelques jours plus tôt à Kinshasa. « Le ministre de la Justice a accepté de trouver les moyens(…), de repousser les conclusions du procès », écrit le diplomate algérien. L’ancien rebelle aujourd’hui garde des Sceaux, Alexis Thambwe Mwamba, insiste à son tour sur le respect de la souveraineté de la RDC dans cette procédure.

Comme convenu, le procès de Kananga est suspendu. Dans le cadre du « mécanisme de suivi », la grosse machine onusienne prendra des semaines avant de finalement nommer le procureur canadien Robert Petit. Depuis Ontario, ce vieux routier de la justice internationale – qui a notamment officié aux Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens dont il a fini par démissionner -, tente vaille que vaille avec une poignée d’experts techniques de convaincre l’auditorat militaire de réorienter l’enquête judiciaire. Il s’efforce de faire admettre dans le dossier les éléments de preuve parfois compromettants pour Kinshasa.

« Des interférences continuelles de l’appareil sécuritaire »

L’annonce de son arrivée à Kinshasa en novembre 2017 provoque derechef de surprenantes manœuvres dans le dossier. Une fois encore, après le JMAC, UNPOL et le chef de la Monusco, c’est désormais le procureur canadien qui constate l’ingérence des autorités congolaises dans ce dossier. Une note confidentielle du département des affaires politiques adressée aux membres du Conseil de sécurité de l’ONU, le 19 janvier 2018 livre certains des faits constatés par le procureur canadien : « Le haut responsable a en outre averti que diverses interventions des services de sécurité de la RDC dans l’enquête ont soulevé des préoccupations concernant la possibilité d’interférences avec des témoins ».

A Kinshasa, la justice militaire vient d’interpeller et d’incarcérer au secret José Tshibuabua et Thomas Nkashama, les deux intrigants proches des services de renseignement qui avaient menti aux experts la veille de leur assassinat. La note du 19 janvier ne mentionne que le seul José Tshibuabua, « témoin clef et potentiel suspect, employé des services de sécurité ». L’auditeur militaire avoue même au procureur canadien qu’il avait émis un mandat d’arrêt contre lui en mai 2017. « Néanmoins, pour des raisons inconnues, l’arrestation n’a pas eu lieu avant novembre 2017 », précise sobrement cette note.

L’ancien chef de milice, mué en informateur et manipulateur de l’enquête, Jean Bosco Mukanda, est aussi mentionné. « Un témoin clé dont la connaissance des meurtres et les liens avec les Forces armées congolaises ont soulevé des questions a été temporairement déplacé de Kananga à Kinshasa immédiatement avant l’arrivée du mécanisme, apparemment pour sa propre protection », précise encore le Département des affaires politiques au Conseil de sécurité de l’ONU. Même l’un des chefs de village et accusé dans ce dossier, Tshimanga Bula Bula, est arrêté le 30 décembre 2017, « malheureusement » deux jours après le départ de Robert Petit et ses experts.

Le « mécanisme de suivi » remporte quelques victoires, mais les « entraves » se poursuivent. Dans la note du 18 avril 2018, il dit « continuer d’essayer de développer une relation de travail productive » avec les autorités congolaises. « Plusieurs arrestations clefs ont eu lieu, mais les progrès dans l’enquête continuent d’être entravés par les interférences continuelles de l’appareil sécuritaire », peut-on lire dans cette note confidentielle. Le procureur canadien Robert Petit s’interroge sur le sort de Thomas Nkashama. « Plusieurs sources crédibles donnent cet individu comme sous la garde des services de sécurité depuis un certain temps ». Le 18 avril 2018, l’ONU ne parvient toujours pas à obtenir des autorités une quelconque information à son sujet.

La veille de leur assassinat, les experts de l’ONU ont rencontré à l’hôtel Woodland Thomas Nkashama, José Tshibuabua et Betu Tshintela, trois collaborateurs des services de renseignement congolais.

Quand le procès des assassins présumés des experts reprend le 27 août 2018, Robert Petit et son équipe technique sont pris de court. Le procureur canadien n’arrive d’Ontario que pour la troisième audience. C’est l’auditeur général de l’armée congolaise, le général Timothée Mukuntu, qui est venu lui-même représenter l’accusation. L’ONU connaît bien ce procureur militaire habitué aux procès délicats dans lesquels des militaires sont sur la sellette : viols à Minova (décembre 2013), massacres de Beni (août 2016)… Le général Mukuntu sait sacrifier les petits soldats pour mieux préserver les hauts-gradés quand on lui demande de faire fi des discrètes pressions des Nations unies.

Le procès, démarré en juin 2017, est toujours en cours à Kananga. Les Kamuina Nsapu ne menacent plus la stabilité des Kasaï et se contentent d’attaques sporadiques. Les enquêtes des différents services de la Monusco ont cessé, faute de moyens, avant de parvenir à désigner l’ultime commanditaire de ces assassinats. Au sein du système onusien, cet épisode traumatisant laisse un goût amer aux tenants d’une enquête indépendante qui voient dans la mise en place du « mécanisme de suivi » un intolérable compromis politique avec ceux qui ont tout fait pour entraver la manifestation de la vérité. La frange pragmatique de l’ONU, privilégiant le partenariat avec Kinshasa, se réjouit des maigres progrès obtenus, les brandit comme autant de victoires sans jamais lâcher Greg Starr et les conclusions de son rapport. « C’est un palimpseste pour l’ONU, un manuscrit dont les feuilles ont été rongées par endroits et qui ne livre qu’une version partielle », déplore une source onusienne.

A Kinshasa, le président Joseph Kabila a renoncé à un troisième mandat et a annoncé la tenue d’élections en décembre, avec deux ans de retard par rapport aux délais prévus par la Constitution. La Monusco est enjointe par le Conseil de sécurité de soutenir le processus tout en étant tenue à l’écart par les autorités congolaises. La mission, aux résultats mitigés mais toujours encombrante pour le régime, est priée par le chef de l’Etat congolais de dresser un plan de retrait rapide d’ici le renouvellement de son mandat en mars 2019. Le rapport de force est en faveur de Kinshasa. Les observateurs internationaux, de plus en plus inquiets pour leur sécurité, sont désormais priés de travailler sous le contrôle des autorités congolaises ou de quitter le pays. « Le groupe d’experts, en tant qu’institution, est mort avec Michael Sharp et Zaida Catalan », conclut l’un de ses anciens membres.

 

DROIT DE REPONSE

Cette enquête collective a nécessité presque deux ans d’investigations pour tenter de comprendre les conditions dans lesquelles les deux experts onusiens, Michael Sharp et Zaida Catalan ont été assassinés.

Le procès ouvert le 5 juin 2017 à Kananga est toujours en cours. Il a été suspendu 10 mois sur demande du secrétariat général de l’ONU. Le procureur canadien Robert Petit a été nommé pour soutenir l’enquête judiciaire congolaise.

  • Le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mendé, appelle les Nations unies à transmettre toutes leurs informations, y compris relatives à des agents de l’Etat, à la justice militaire congolaise. « C’est parce que nous savons que des membres du personnel de l’Etat sont capables de poser des actes attentatoires aux lois que nous avons institué la justice militaire », ajoute-t-il. Il dément en revanche toute responsabilité de l’Etat congolais : « La responsabilité pénale est individuelle ».
  • L’auditeur général de l’armée, Timothée Mukuntu, dit ne pas avoir eu connaissance du dossier d’enquête de la police des Nations Unies. Il dément toute entrave de la justice militaire, mais reconnaît « une certaine lenteur mais pas de volonté d’entraver quoique ce soit ».
  • L’un des porte-paroles du secrétaire général de l’ONU assure qu’Antonio Guterres a fait « tout ce qui était en son pouvoir » pour que justice soit rendue. Selon Stéphane Dujarric, « l’ONU ne peut qu’offrir son assistance ou, en cas de réticence d’un Etat membre, user de tous les outils diplomatiques et politiques pour persuader les autorités de faire le bon choix ».
  • L’ancien numéro 1 du comité d’enquête de l’ONU, Gregory Starr, assure « n’avoir voulu protéger personne », il rappelle que ce comité n’était qu’une enquête administrative et pas une enquête criminelle.
  • Le présumé interprète des experts et ancien agent de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR), Betu Tshintela, est donné pour mort par les autorités congolaises. La Monusco dit toujours rechercher son corps.
  • Le principal témoin, l’ancien chef de milice et enseignant, Jean Bosco Mukanda, a finalement été inculpé en septembre 2018, un an après les premières révélations de RFI.
  • Les deux inspecteurs de la Direction générale des Migrations et anciens collaborateurs de l’Agence Nationale de Renseignements, José Tshibuabua et Thomas Nkashama, ont été arrêtés depuis novembre 2017. Ils ne sont inculpés jusqu’à présent que pour le meurtre des quatre accompagnateurs congolais de Michael Sharp et Zaida Catalan. Ils ont comparu pour la première fois quelques jours avant la publication de cette enquête.
  • Le colonel Jean de Dieu Mambweni était indisponible pour répondre aux questions de RFI, mais lors d’une précédent entretien le 1er décembre 2017, il avait assuré n’avoir eu aucun contact avec les experts de l’ONU lors de leur dernier séjour à Kananga.
  • RFI

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