Le 5 novembre dernier, neuf communautés villageoises de la République démocratique du Congo ont déposé plainte devant le mécanisme de recours de la Banque allemande de développement contre l’entreprise Feronia qui exploite des plantations d’huile de palme dans le nord du Congo. Feronia est accusée d’accaparement de terres et de mauvaises conditions de travail. La Banque allemande de développement, ainsi que ses homologues européens, comme Proparco, filiale de l’Agence française de développement, ont investi dans cette entreprise qui, selon les plaignants, ne respecte pas les droits des populations.
En 2009, le Canadien Feronia rachète à l’Anglo-Néerlandais Unilever, ses plantations congolaises, 100 000 hectares de palmiers à huile. Certaines communautés villageoises s’estimant spoliées jugent le moment opportun pour changer les pratiques anciennes et réclament justice. Car si l’Etat congolais est théoriquement propriétaire du sol : « L’Etat ne peut pas octroyer des contrats ni d’emphytéose ni d’occupation d’une concession sans que les communautés ne donnent leur consentement. »
Jean-François Mombia, dirige l’ONG RIAO-RDC, il accompagne les communautés villageoises dans leur plainte. Et pour lui, Feronia aurait dû agir autrement. « Les terres appartiennent aux communautés, et ils sont venus occuper ces terres illégalement, donc sans consentement libre et préalable comme norme internationale. Donc ils n’ont pas respecté les droits des communautés, même pas le droit de jouissance, et ils ont empêché les propriétaires terriens de jouir de leurs terres. »
Xavier de Carnière est le PDG de Feronia, et pour lui, les baux obtenus lors du rachat de la plantation de Lokutu à Unilever respectent la loi : « Nous avons repris les titres fonciers d’une société qui existait depuis déjà très longtemps. Les titres fonciers, ce sont des leasings, donc nous sommes locataires de la terre auprès du gouvernement congolais, à travers des titres fonciers qui sont renouvelés tous les vingt-cinq ans. Pour le renouvellement, il n’y a pas de nécessité d’obtenir un accord des propriétaires historiques de la terre, ou de ceux qui se perçoivent comme tels. »
En Europe, plusieurs ONG réclament davantage de vigilance. Car Feronia est appuyée depuis six ans par les institutions de financement du développement ; AFD française, DEG allemande ou CDC anglaise. Maureen Jorand responsable du pôle « souveraineté alimentaire » de l’ONG de CCFD-Terre solidaire : « Ce que nous observons, c’est que les violations perdurent, d’où la volonté de la société civile et des communautés locales, après les alertes, après le dialogue, de faire cette plainte pour qu’il y ait enfin une réponse effective. Ce que l’on observe aussi c’est que les bailleurs de fonds font beaucoup confiance à l’entreprise. Et pour nous, l’idée est d’avoir un regard indépendant qui permette d’attester des violations commises par l’entreprise. »
En six ans, Feronia a reçu environ 200 millions de dollars de financement grâce à l’appui des institutions européennes en charge du développement.
RFI