Désamorcer la polémique. Tel était le mot d’ordre des autorités sanitaires qui ont tenu ce mercredi un point presse sur les cas groupés de bébés touchés par des malformations des bras. La Direction générale de la Santé (DGS) a assuré qu’il n’y avait pas d’épidémie en France. Alors que l’enquête sur les onze cas supplémentaires détectés dans l’Ain va être confiée au Remera, de nouvelles investigations vont être menées en Bretagne auprès d’une dizaine de familles ayant eu un enfant né avec une malformation.
« Il n’y a pas d’épidémie »
Le directeur général de la Santé Jérôme Salomon a détaillé les modalités de l’enquête relancée le 21 octobre par les ministères de la Santé et de l’Ecologie, pour rechercher les causes des excès de cas repérés par les registres des malformations congénitales dans l’Ain, en Bretagne et en Loire-Atlantique. « Il n’y a pas d’épidémie », a-t-il insisté. « Sur 21 malformations congénitales, il n’y a aucune tendance à l’augmentation de la fréquence ». Pas d’augmentation non plus des « agénésies transverses du membre supérieur » (terme médical des bébés nés sans bras) « mais on se pose la question de cas regroupés dans le temps et sur un lieu donné ».
Il s’agit des fameux « clusters » : des cas groupés d’enfants nés sans mains, bras ou avant-bras observés dans l’Ain (7 naissances entre 2009 et 2014), en Loire-Atlantique (3 naissances entre 2007 et 2008) et en Bretagne (4 naissances entre 2011 et 2013), à chaque fois dans un périmètre restreint.
« Il n’y a pas de sujet Emmanuelle Amar », « la polémique doit s’arrêter »
Dans l’Ain, Santé publique France (SPF) a remonté les données hospitalières et a recensé 11 cas suspects supplémentaires entre 2000 et 2014, dont l’investigation a été confiée au registre Remera.
La polémique avec la présidente de ce registre Emmanuelle Amar doit « s’arrêter », a souligné Jérôme Salomon. « Il faut faire attention aux attaques personnelles. Ce registre doit travailler sans polémique ». « Il n’y a pas de sujet Emmanuelle Amar, elle n’est plus concernée par une éventuelle procédure ». « On a besoin de ce registre, qui a été réaffirmé par la ministre de la Santé », a-t-il poursuivi à propos du Remera. « Il n’y a pas de sujet Emmanuelle Amar (la présidente de Remera). Elle n’est plus concernée par une éventuelle procédure (de licenciement) ».
Le Remera, basé à Lyon, est le plus ancien des six registres des malformations congénitales qui couvrent seulement 19 % du territoire. Il a été fondé en 1973 après le scandale du thalidomide, qui avait fait naître des milliers d’enfants sans bras entre 1957 et 1962. Sa fiabilité avait été mise en cause par les autorités sanitaires et une procédure de licenciement du personnel engagée, puis « suspendue » après une polémique avec sa présidente.
Mission « impossible »
Interrogée par l’AFP, Emmanuelle Amar a jugé « impossible » l’investigation confiée à Remera pour ces 11 cas repérés dans les données hospitalières. SPF « n’a rien sur eux : pas de dates de naissance, pas d’identités, pas de nom de maternité ».
Les données hospitalières (PMSI) sont effectivement anonymes mais « nous avons les autorisations » pour y accéder, a assuré François Bourdillon, directeur de SPF. Un examen des données hospitalières va d’ailleurs être mené sur la base d’« algorithmes pour gagner en réactivité et disposer de géolocalisation au-delà des registres », a indiqué Jérôme Salomon. Il a par ailleurs annoncé qu’une instruction du ministère allait être envoyée à tous les professionnels de santé pour mieux faire remonter les cas de malformations à la naissance à l’avenir. « Il est important de mobiliser tous les professionnels de santé – gynécologues obstétriciens, pédiatres, sages-femmes pour faire en sorte que tous les cas soient bien signalés, dans un objectif d’exhaustivité », a-t-il ajouté.
« Nous devons la transparence aux familles »
En Bretagne, où des parents d’enfants nés avec une malformation se sont manifestés lors d’une réunion avec SPF le 7 novembre, des investigations vont être menées auprès d’une dizaine de familles, a indiqué François Bourdillon, directeur général de SPF. Un questionnaire de 30 pages interroge les familles sur toutes les causes possibles : environnement, pollution, alimentation, prise de médicaments, etc.
A ce jour, aucune cause commune n’a été mise en évidence. « Les causes possibles sont très nombreuses », a souligné Jérôme Salomon. Elles peuvent être génétiques, mécaniques (un problème vasculaire empêche le développement du membre), médicamenteuses ou chimiques, environnementales (pollution, alimentation), liées à des maladies infectieuses chez les animaux…
« Nous essayons de trouver des signaux faibles qui pourraient montrer une corrélation avec les cas », a expliqué Roger Genet, directeur général de l’Anses (Alimentation, Environnement et Travail). « Nous devons la transparence aux familles. Il y aura un retour sur les investigations », a promis Jérôme Salomon. Le rapport final est attendu en juin 2019, après un premier rapport sur les hypothèses et les méthodes d’investigations qui devrait être rendu en janvier.
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