La campagne de mi-mandat s’est achevée lundi aux États-Unis après plusieurs semaines d’intenses tractations entre démocrates et républicains. Retour sur les moments forts de la campagne.
Les observateurs des élections de mi-mandat aux États-Unis sont d’accord sur un point : la campagne a passionné les Américains. Signe du caractère exceptionnel de ces élections, les sommes mobilisées par les deux partis pour mener bataille ont battu des records. Si personne ne sait encore qui des républicains ou démocrates sortira son épingle du jeu, ces élections s’avèrent hors-normes à plus d’un titre.
La percée des femmes
D’abord en raison du nombre record de femmes impliquées. Faut-il y voir l’influence du mouvement #MeToo ou la défiance envers Trump ? Difficile à dire mais force est de constater que cette campagne est celle de tous les records féminins. Un nombre historique de candidates se sont présentées aux élections du 6 novembre. Au Congrès, 529 ont concouru et 262 sont toujours en lice après les primaires. Le nombre de femmes en lice à un poste de gouverneur, lui aussi, n’a jamais été aussi élevé, avec 61 tentatives. Seize d’entre elles ont remporté les primaires. Avec plus de 3 000 candidatures féminines aux scrutins locaux, ces élections entrent dans l’histoire des élections américaines.
Quelque 183 femmes ont par ailleurs été désignées candidates dans le camp des démocrates pour décrocher un siège à la Chambre des représentants. Les médias américains appellent d’ailleurs ce phénomène la « pink wave », la « vague rose ».
Plusieurs candidates données favorites sont en outre issues de minorités encore sous-représentées au Congrès américain. La démocrate Rashida Tlaib, choisie mardi dans le Michigan, pourrait ainsi être la première femme musulmane à entrer à la Chambre. Plusieurs Amérindiennes sont également en lice. C’est là encore une première dans l’histoire des États-Unis.
Une polarisation exacerbée
Ces élections de mi-mandat ont été marquées par une forte polarisation. Habituellement boudées par les électeurs, ces midterms ont davantage mobilisé, comme l’indique le vote anticipé dans certains États, avec des prévisions allant de 45 à 50 % de participation totale (contre 37 % lors des précédentes, en 2014). L’affaire du juge conservateur Brett Kavanaugh, – dont la nommination à la Cour suprême a failli être empêchée par des accusations d’agressions sexuelles – y est pour beaucoup. Les enquêtes montrent que cet épisode a réveillé les deux camps, républicain comme démocrate, pour des raisons opposées.
Le cortège de migrants partis du Honduras pour les États-Unis en vue de fuir la misère et la criminalité est également venu creuser le fossé entre les deux camps : démocrates et républicains ne sont désormais d’accord sur rien et ce sont deux visions du monde qui s’affrontent suivant des clivages entretenus et exacerbés par Donald Trump lui-même, suivant la même stratégie qu’en 2016. Il a ainsi annoncé l’envoi de renforts armés sur la frontière avec le Mexique pour empêcher les migrants de pénétrer aux États-Unis.
Ces deux temps forts ont permis de réunir les deux composantes de la base électorale républicaine : les Blancs des zones rurales ou exo-urbaines qui s’estiment déclassés et méprisés et les religieux qui représentent un tiers des partisans des électeurs républicains.
La crainte de l’abstention des démocrates
Durant la campagne, les démocrates n’ont cessé de lutter contre l’abstention. Ils savent combien elle peut leur coûter cher. Il y a deux ans, Hillary Clinton s’est inclinée face à Donald Trump. Pourtant, quasiment tous les sondages la plaçaient en tête. Pour certains analystes, la démocrate n’a pas perdu à cause d’une hausse des votes républicains mais parce que trop d’électeurs démocrates sont restés chez eux. La forte abstention observée dans les districts urbains et multiculturels, qui votent en majorité démocrate, confirme cette hypothèse.
La tentation socialiste
Dans un pays où le capitalisme est roi, le socialisme, qui a longtemps renvoyé pour de nombreux Américains aux pires aspects du communisme en URSS, est devenu au fil de la campagne de moins en moins tabou. Un sondage Gallup publié en août montre que pour la première fois depuis qu’une telle étude existe, les démocrates ont une meilleure image du socialisme que du capitalisme. C’est d’ailleurs un peu moins la vision du socialisme qui a changé (57 % des démocrates en pensent du bien en 2018, contre 53 % en 2010) que celle du capitalisme : 53 % des démocrates en avaient une bonne opinion en 2010, contre seulement 47 % aujourd’hui.
Des millions d’Américains privés de vote
Des millions d’Américains ne pourront pas voter mardi lors des élections cruciales de mi-mandat, en raison de règles électorales fixées dans leur État qui excluent de facto surtout les minorités noires, hispaniques ou amérindiennes, au détriment des démocrates.
Parmi les premiers concernés, près de six millions d’Américains n’ont pas le droit de glisser un bulletin dans l’urne parce qu’ils sont en prison, en liberté conditionnelle ou parce qu’ils ont été condamnés en justice. Surreprésentés dans le système pénal, les « Noirs américains en âge de voter ont quatre fois plus de risque d’être privés de droit de vote que le reste de la population », relève l’ONG Sentencing Project.
Les règles varient beaucoup d’un État à l’autre. Certains États, comme le Maine ou le New Hampshire, permettent aux détenus de voter. À l’inverse, dans le Kentucky, l’Iowa, la Virginie et la Floride, toute condamnation, même pour une infraction mineure comme la possession de marijuana, entraîne le retrait à vie des droits civiques.
Manipulation politique sur les réseaux sociaux
La campagne a également été rythmée par des manipulations en tous genres. Facebook et Instagram ont notamment annoncé avoir procédé à la fermeture de trente-deux comptes ou profils qui pourraient être liés à des entités étrangères et servir à des ingérences dans les élections. Parmi les 32 comptes supprimés, un profil créé en mars 2017 et le plus récent en mai 2018. Au total, ils avaient publié près de 10 000 messages sur le site. Ces pages étaient suivies par 290 000 comptes et ont dépensé 11 000 dollars pour sponsoriser près de 150 contenus (« ads »), les rendant ainsi plus visibles. Le groupe a affirmé ne pas savoir qui était derrière cette action « coordonnée ».
France 24