Les présidents de France et du Mali doivent inaugurer ce mardi 6 novembre à Reims, dans l’est de la France, un monument à l’Armée noire. Cent ans après l’Armistice de 1918, Emmanuel Macron et Ibrahim Boubakar Keïta rendent ainsi hommage aux tirailleurs africains de la Première Guerre mondiale. Ce bronze, installé dans le parc de Champagne depuis 2013, n’avait pas été inauguré jusqu’à maintenant.
Le monument domine une clairière du parc de Champagne, un jardin de la ville de Reims. Il représente quatre soldats africains et un officier français de la Première Guerre mondiale. Ce bronze des années 1920, œuvre du sculpteur Paul Moreau-Vauthier, était au départ un « témoignage de reconnaissance » à l’Armée noire, comme on disait à l’époque.
Une reconnaissance éphémère puisque vingt ans plus tard, en pleine Deuxième Guerre mondiale, l’Allemagne nazie s’est empressée de détruire ce monument qui représentait tout ce qu’elle abhorrait. Ce n’est qu’en 2013 qu’une copie de l’œuvre originale sera réalisée et installée dans le parc de Champagne.
En l’inaugurant aujourd’hui, les présidents Macron et Keïta soulignent les liens historiques entre la France et le Mali ; la majorité des tirailleurs dits Sénégalais étaient en réalité originaires du Mali actuel. Il y a toutefois fort à parier que les deux hommes aborderont, lors de leurs entretiens privés, des sujets d’une actualité plus brûlante.
■ Questions à Julien Fargettas, responsable de l’Office national des anciens combattants, auteur du livre Les tirailleurs sénégalais. Les soldats noirs entre légendes et réalités 1939-1945.
Quel rôle ont joué les soldats africains dans la défense de Reims ?
Alors les tirailleurs ont combattu durant quasiment toute la Première Guerre mondiale, sur tout le front français. Mais ici à Reims, ils ont eu un rôle particulier en 1918, au moment où les Allemands vont lancer deux grandes offensives pour s’emparer de la ville, à la fin du mois de mai et au mois de juillet. Ce sont 15 000 tirailleurs sénégalais qui vont combattre ici à Reims, avec des pertes importantes. Et on peut dire que Reims a été un petit peu l’apogée de leur implication dans le premier conflit mondial. C’est là vraiment qu’ils vont être déterminants pour la défense du sol français. Ils ont empêché que la ville ne tombe aux mains des Allemands en 1918. Et la ville était un point important parce que ça aurait pu permettre, si elle était tombée, de libérer le mouvement allemand sur Paris. Reims était vraiment un lieu stratégique à ce moment-là, donc ils ont eu un rôle important.
Qui est à l’initiative de ce monument ?
Il est important de noter que le monument de 1924 est financé grâce à une souscription publique. Donc ce sont les Français et les Rémois qui ont payé ce monument. Et quand il est inauguré en 1924, on est vraiment sur une manifestation d’une très grande ampleur avec des troupes, des milliers de personnes qui sont présentes, des célébrations historiques. Il y a vraiment un vrai engouement derrière ce monument.
C’est l’Empire qui est célébré ou bien les tirailleurs, les Africains qui sont venus se battre ici ?
Tout dépend qui célèbre. Evidemment ceux qui sont à l’initiative du monument ont voulu célébrer le soldat africain, celui qui est venu combattre pour la France. Mais ils ont voulu aussi célébrer la geste coloniale, l’Empire colonial, la grandeur de la France. Le Rémois qui vient participer aux célébrations en 1924, lui, il vient essentiellement se souvenir, célébrer ce tirailleur, ce soldat africain venu de loin pour le défendre.
RFI