Les leaders spirituels du courant évangélique ont mis tout leur poids dans la balance en faveur de leur candidat préféré, le député d’extrême-droite Jair Bolsonaro, grand favori du second tour de la présidentielle au Brésil, dimanche.
Le candidat d’extrême-droite Jair Bolsonaro, grand favori du second tour de la présidentielle au Brésil, dimanche 28 octobre, peut compter sur les suffrages des électeurs évangéliques, dans un pays où la religion aura joué un rôle capital tout au long de la campagne.
Alors que les derniers sondages publiés par l’institut Ibope prévoient une victoire facile à l’ancien capitaine de l’armée, avec des chiffres oscillant entre 59 et 57 % des voix, contre 41 et 43 % au candidat du Parti des travailleurs (PT) de gauche, Fernando Haddad. Parmi les personnes interrogées se déclarant évangéliques, 66 % ont affirmé vouloir voter pour Jair Bolsonaro, arrivé largement en tête du premier tour, avec 46% des voix, et seulement 24 % pour le poulain de l’ex-président Lula.
Dans le plus grand pays catholique du monde, où les églises évangéliques et pentecôtistes ont le vent en poupe, le discours de Jair Bolsonaro en faveur de la « famille traditionnelle » et du retour de l’ordre moralséduit. Surfant sur les scandales de corruption qui ont éclaboussé la classe politiqueet dans un contexte national marqué par la violence,les thèmes martelés par le candidat hyperconservateur ont fait mouche : défense de la famille, de l’innocence de l’enfance dans les écoles, anti-mariage gay, lutte contre la légalisation des drogues et de l’avortement… Les évangéliques voient en lui un homme intègre et le président de la « rupture” après 13 années de présidence du PT, de 2003 à 2016 (Lula, puis Dilma Rousseff).
Un discours « absolutiste et moralisateur »
« Il tient un discours absolutiste et moralisateur, et la plupart des églises le soutiennent parce qu’il parle du bien et du mal, un message qui est devenu une de ses armes, décrypte Fiona Macaulay, spécialiste du Brésil à l’Université de Bradford, interrogée par France 24. En disant qu’il y a d’un côté des gens biens qui ont des droits et des gens mauvais de l’autre, il flatte le sentiment d’insécurité et les inquiétudes socio-économiques de nombreux Brésiliens, qui entendent bien l’écho de ses promesses messianiques de sauver le pays ».
D’après le dernier recensement officiel, en 2010, 65 % des Brésiliens se revendiquent catholiques et 22,2 % évangéliques, mais la proportion de ces derniers n’a cessé de croître ces dernières années. Les leaders spirituels de ce courant ont mis tout leur poids dans la balance en appelant à voter en faveur de leur favori, à travers leurs nombreuses chaînes de télévision, comme la plus puissante TV Record, chaîne de l’Église universelle du royaume de Dieu (IURD). Une exposition inespérée pour un obscur député qui se contentait d’animer depuis plusieurs années la vie politique de son pays à coups de déclarations polémiques sur la dictature des généraux (1964-1985), les Noirs, les femmes ou encore les homosexuels.
Le très influent pasteur Silas Malafaia, l’un des plus médiatiques et populaires du pays, a fait campagne en faveur de Jair Bolsonaro. Dans ses vidéos et ses messages destinés à ses millions d’abonnés sur les réseaux sociaux, il traite Fernando Haddad de menteur et de cynique. « Astuce du jour : si vous avez déjà été torturé par Bolsonaro, votez pour le PT. Si vous avez déjà été volé par le PT, votez pour Bolsonaro. C’est simple ! », ironise le chef spirituel de l’Assemblée de Dieu dans un tweet daté du 23 octobre. Selon Silas Malafaia, l’ancien capitaine de l’armée incarne les valeurs morales et familiales que ses ouailles chérissent, et qu’il met en garde contre « le péril » communiste. « Bolsonaro a une des choses les plus importantes dont nous avons besoin au Brésil, en ces temps qui courent : une vie saine », souligne-t-il dans l’une de ses vidéos.
« Les milieux évangélistes, qui sont très présents dans les catégories les plus pauvres, penchent en faveur de Bolsonaro, c’est qui est paradoxal puisqu’il s’est marié trois fois, alors que Fernando Hadad a une vie personnelle et familiale plus classique, et conforme aux critères qui seraient exigés des défenseurs de la famille », rappelle toutefois Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’IRIS et spécialiste de l’Amérique latine.
Des catholiques divisés
Catholique rallié aux évangéliques – le pasteur Everaldo l’a baptisé dans le Jourdain en 2016 – Jair Bolsonaro ne fait toutefois pas l’unanimité. Avant le second tour de la présidentielle, plusieurs évêques brésiliens ont invité les électeurs au »discernement », alors qu’une aile progressiste du courant évangélique a organisé une marche contre l’ancien militaire le 18 octobre à Rio.
Cette semaine, Mgr Leonardo Steiner, secrétaire général de la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB), a ainsi cosigné une note avec six autres institutions, comme le Conseil fédéral de l’ordre des avocats, dans laquelle il affirme son « rejet absolu de toute manifestation de haine, de violence, d’intolérance, de préjugés et de mépris des droits de l’Homme ».
Sans jamais citer le candidat d’extrême droite, le texte appelle aussi à la défense d’un « environnement de dialogue véritablement éthique et démocratique (…) sans autoritarisme, corruption endémique, (…) et diffusion de fausses nouvelles ».
De son côté, l’archevêque de Belo Horizonte Mgr Walmor Oliveira de Azevedo a dénoncé dans une lettre la « montée de l’extrémisme », alors que les catholiques semblent divisés sur le profil de Jair Bolsonaro, selon les derniers sondages. Appelant à renouer avec les valeurs de l’Évangile, l’archevêque explique que « l’Église catholique ne recommande pas de candidats, car les citoyens sont libres de définir leurs vœux, mais elle impose le respect des critères qui favorisent la justice, la fraternité et la solidarité ».
France 24