Billet Retour à Semeï : les enfants du nucléaire au Kazakhstan

Près de trente ans après la fermeture du site d’essais nucléaires de Semipalatinsk dans les steppes de l’est du Kazakhstan, les populations locales subissent toujours les conséquences de quarante années d’exposition aux radiations.

De 1949 à 1989, les militaires soviétiques ont mené 456 essais nucléaires – aériens et souterrains – dans l’est du Kazakhstan, sur un territoire presque aussi grand que la Belgique. À l’époque, la zone, qualifiée de « polygone », avait été choisie pour sa faible densité de population. Pourtant, d’après les autorités du Kazakhstan, 1,5 million de personnes vivaient juste à côté, et près de la moitié d’entre elles ont été exposées à des radiations nocives.

Un « lac atomique » près de Semeï, formé à la suite d’une explosion nucléaire souterraine en 1965. © France 24

Loin d’être un tabou, le passé nucléaire du Kazakhstan est l’un des piliers de sa diplomatie. En 2009, le pays a initié une résolution à l’ONU pour instaurer la journée mondiale de la non-prolifération nucléaire. Tous les 29 août, date de la fermeture du site nucléaire de Semipalatinsk (désormais Semeï) en 1991, les Kazakhs commémorent leurs victimes du nucléaire. Et si pendant 40 ans, le plus grand secret entourait le développement de l’arme atomique dans la région, les autorités sont aujourd’hui enclines à communiquer et donnent même accès au site nucléaire, tant aux chercheurs étrangers qu’aux journalistes. Nos reporters Sophie Guignon et Miyuki Droz se sont rendues sur place.

 

Taux de cancers deux fois plus élevés

Le village de Znamenka est situé à moins de 80 km du site de lancement des tests nucléaires. À 68 ans, Nazipa Uzakbayeva y vit depuis les années 1960 et se souvient encore « du grand nuage noir » que formaient les explosions, mais aussi des recommandations des autorités : « On nous disait d’aller dehors pendant les explosions ! » Les populations locales n’étaient ni informées ni protégées des hauts niveaux de radioactivités générés par les essais nucléaires. Aujourd’hui, si Nazipa Uzakbayeva est à la tête d’une grande famille, l’une de ses filles est décédée d’un cancer du sein à l’âge de 33 ans et plusieurs de ses 13 petits-enfants ont de graves problèmes de santé. Le taux de cancers et de maladies cardiovasculaires est au moins deux fois plus élevé dans l’est du Kazakhstan que dans le reste du pays.

 

À Semeï, nos reporters ont constaté la volonté des autorités de reprendre les activités économiques. Le centre national du nucléaire de Kourtchatov, la ville secrète où le KGB – les anciens services de renseignements soviétiques – a conçu et mené le programme atomique de l’URSS, teste aujourd’hui la dangerosité de la zone. Analyses de la terre, de l’air, des plantes, tous les échantillons sont passés au crible pour tester les effets de la radioactivité. Le laboratoire publiera son rapport en 2021, mais pour l’heure, les premières conclusions sont optimistes : une grande partie du site pourrait potentiellement être exploitée. Il faut dire que la zone – tout comme une bonne partie du pays – regorge de minerais, et notamment d’or.

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