L’oeuvre du peintre Mikhaïl Larionov enfin réunie à Moscou

MOSCOU (AFP) – 

Divisée il y a trente ans entre Paris et Moscou, l’?uvre de Mikhaïl Larionov est pour la première fois réunie à la galerie Tretiakov, permettant de saisir l’évolution de ce pionnier de l’avant-garde russe.

Plus de 300 peintures de la collection de Mikhaïl Larionov et de sa célèbre compagne, Natalia Gontcharova, sont présentées jusqu’au 20 janvier 2019 pour la plus grande rétrospective consacrée au peintre né en 1881 à Tiraspol (Moldavie), qui faisait alors partie de l’Empire russe.

– Au nom de la Russie –

 Mikhaïl Larionov a 20 ans quand il rencontre à Moscou Natalia Gontcharova, d’un mois plus jeune que lui. Après des études de sculpture, la descendante de l’épouse du légendaire poète Alexandre Pouchkine accompagne Larionov dans sa passion pour la peinture et s’installe avec lui dès 1903.

Les deux amants visitent Paris en 1906, où ils sont repérés, puis multiplient les allers-retours entre la Russie et la France jusqu’à leur installation définitive en 1915 dans la capitale française, où ils travaillent comme décorateurs pour les Ballets Russes de Sergueï Diaghilev.

Très uni, le couple vit en union libre pendant plus de 50 ans mais les deux artistes finissent par officialiser leur union pour ne pas éparpiller leurs ?uvres en cas de décès de l’un d’eux.

Après le décès de Natalia Gontcharova en 1962, Larionov épouse Alexandra Tomilina, de 20 ans sa cadette, amie et modèle de longue date. Ce second mariage a le même objectif: garder intacte la collection et la transmettre à la Russie, à laquelle les deux artistes sont restés fidèles bien qu’ils aient obtenu la nationalité française en 1938.

Devenue dès 1964 la seule héritière de la collection Larionov, Alexandra Tomilina la lègue à la Russie à sa mort en 1987. Mais pour obtenir cette donation, l’URSS doit d’abord payer à l’État français des impôts inabordables pour le pays, en pleine déconfiture économique.

Faute de devises, Moscou lèguera donc au Centre Pompidou une soixantaine de peintures, brisant le rêve de Larionov de voir sa collection réunie en Russie.

– « Évolution permanente » –

Depuis 1987, l’oeuvre de Larionov était ainsi éparpillée entre Moscou et Paris, en plus d’une dizaine de musées de province russes. Réunies pour la première fois, « ces ?uvres révèlent la permanente évolution de Larionov », se réjouit la co-commissaire de l’exposition, Evguénia Ilioukhina.

Présentés côte à côte, « Le Coucher de soleil » (1908, Tretiakov) et « Le Cochon bleu » (1909-1910, Pompidou), avec leur gamme mauve unie, forment un duo admirable tandis que l' »Automne » prêté par le musée parisien s’inscrit parfaitement dans la série néo-primitiviste des « Saisons », qui appartient à la galerie Tretiakov.

Il en va de même pour ces « Vénus » multicolores, dessinées toutes les trois en 1912 et qui eurent un impact considérable sur l’avant-garde russe. Arrivées de Nijni Novgorod (centre), Iékaterinbourg (Oural) et Saint-Pétersbourg (ouest), ces trois oeuvres « lancent un dialogue provocateur avec le public », estime Mme Ilioukhina.

« La Pluie » (1904, Pompidou), tableau impressionniste peint autour de 1904, témoigne pour sa part des premières aventures artistiques de Larionov, qui arrêta la peinture après la Grande guerre pour se consacrer à la conception de décors et de costumes pour le théâtre.

– Le « Leonardo russe » –

« Larionov est resté toujours libre, jeune et agitateur », explique Evguénia Ilioukhina. Pionnier de l’abstraction avec Vassili Kandinsky, le peintre s’enthousiasme pour les « loubkis », ces estampes primitives très populaires. Il inonde ses peintures de signes en cyrillique, s’amuse avec des dessins d’enfants.

Tour à tour impressionniste, cubiste, fauviste et futuriste, Mikhaïl Larionov lance en 1912 son propre mouvement, le « rayonnisme », qui met la couleur au premier plan et fait disparaître toute représentation, ce qui poussera les peintres russes les plus novateurs à se tourner vers l’art abstrait.

Larionov s’intéresse à tout, l’envergure de sa personnalité lui valant le surnom d' »homme de la Renaissance » ou de « Leonardo russe ». Une partie de l’exposition de la galerie Tretiakov présente d’ailleurs les travaux réalisés pour les Ballets russes par le peintre qui inspira tant de peintres abstraits.

Pour le public russe, qui n’a jamais cessé de considérer Mikhaïl Larionov comme un peintre national, cette rétrospective est aussi une redécouverte d’une époque longtemps laissée de côté par les autorités soviétiques.

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