Cancer: Des soins complémentaires en plein essor pour vivre mieux malgré la maladie

« Hier, ma kinésithérapeute était impressionnée : mes tensions dans le dos avaient presque disparu », s’enthousiasme Marie-Françoise, 72 ans, qui vient de commencer les cours d’activité physique adaptée au Centre Ressource de Paris*.

Un lieu convivial, inauguré ce mardi, qui propose depuis début octobre yoga, pilates, sophrologie, salsa, hypnose, méditation aux malades du cancer et s’inspire du Centre Ressource d’Aix. « Cela faisait trois ans que je ne faisais plus de sport, à cause de mes problèmes de santé, confie Marie-Françoise qui s’est battue contre un cancer du côlon, puis un cancer du sein. Elle a découvert dès son ouverture en 2011 le Centre Ressource d’Aix, avant de venir se faire soigner à Paris où elle attendait avec impatience l’ouverture de cette bulle de mieux-être. « C’est fondamental pour le moral », assure-t-elle, saluant le respect, l’engagement et la délicatesse des professionnels tous bénévoles.

Les soins complémentaires, c’est quoi ?

Ces soins ne doivent pas être confondus avec les traitements. « L’objectif, c’est d’aider le patient à vivre mieux et le rendre plus fort, résume Jean-Loup Mouysset, fondateur du Centre Ressource d’Aix, qui depuis a fait des petits : la France compte cinq centres « Ressource » en 2017, qui proposent des activités, mais également un accompagnement thérapeutique individuel nourri de cours sur la nutrition, le sport, le sommeil et d’une thérapie collective. « Les traitements permettent la survie, cet accompagnement thérapeutique aident les patients à vivre et les deux sont complémentaires. Mieux on s’occupe de la personne et de son entourage, plus on la met dans de bonnes dispositions pour lutter contre la maladie », plaide l’oncologue, dont l’approche avant-gardiste s’est aujourd’hui démocratisée.

 

En effet, nombre d’associations proposent aux patients de tester gymnastique, hypnose ou yoga. Et depuis environ trois ans, ce souci du « mieux-être » du patient s’est invité à l’hôpital. Aujourd’hui, la plupart des services de cancérologie proposent des activités individuelles ou collectives. « Tant mieux si on diversifie les approches », se félicite Jean-Loup Mouysset. A Saint-Louis (AP-HP), Caroline Cuvier, oncologue, invite les patientes à oublier chimiothérapie et nausées grâce à l’escrime artistique, le tennis, la marche nordique, plus récemment l’aviron et la chorale. A chacun de trouver ce qui lui fait du bien.

Reprendre confiance

Et ce boom est à mettre au crédit des patients qui ont exprimé leurs besoins et leur satisfaction. Premier avantage cité, le fait de redevenir maître de son corps. « On voit changer les patientes en cours de traitement lorsqu’elles participent à ces activités, elles sont plus souriantes, épanouies, reprennent confiance en elles, salue Caroline Cuvier. On note une transformation même au cours d’une séance ! »

Deuxième atout : rompre l’isolement. « Echanger sur leur vécu entre patients, sans les soignants, cela a un effet thérapeutique en lui-même, renchérit Carole Bouleuc, oncologue et responsable du département de soins de support à l’Institut Curie. D’autant plus que les proches ne sont pas toujours les bons interlocuteurs.

Etirements, assouplissements, rouds de jambe et marche rapide au programme de ce cours d'activité physique adaptée au Centre Ressource de Paris.
Étirements, assouplissements, roues de jambe et marche rapide au programme de ce cours d’activité physique adaptée au Centre Ressource de Paris.

 

Un impact positif reconnu

« Quand j’étais jeune, on disait aux patients en chimiothérapie, surtout reposez-vous !, se remémore Caroline Cuvier. Maintenant, on sait que c’est un contre message. » En effet, les bienfaits de l’activité physique et de la relaxation ont été reconnus par la recherche. « Le premier symptôme des gens traités pour un cancer, c’est la fatigue, reprend l’oncologue de Saint-Louis. Or le sport diminue la fatigue et l’anxiété, améliore le sommeil et la confiance en soi ».

Les effets positifs vont même plus loin. « Des travaux de l’université de Stanford prouvent qu’en suivant cet accompagnement, le patient vit deux fois plus longtemps, mieux et souffre moins », souligne le Pr Mouysset. D’autres études dévoilent aussi que la récidive chute et les chances de guérison augmentent. Mais cette reconnaissance n’a pas été évidente. « Quand j’ai voulu monter le Centre Ressource, j’ai rencontré des réticences, avoue le Jean-Loup Mouysset. Pour certains, c’était morbide de réunir des malades, d’autres disaient : « Qu’est ce que c’est que cette secte qui fait de la sophrologie ? » »

Problème de définition

Si depuis la reconnaissance est acquise et le boom de ces soins complémentaires évident, la question de la définition reste posée : certains parlent de soins de support,d’autres d’accompagnement thérapeutique, de médecines complémentaires ou douces. Au-delà de la terminologie, les professionnels de santé sentent un besoin de clarification, de sélection, d’études scientifiques sur ces divers soins complémentaires.

« Les patients nous posent beaucoup de questions sur ces pratiques, avoue Carole Bouleuc de l’Institut Curie. L’approche psycho-corporelle qu’on trouve dans la sophrologie, la méditation, le yoga a prouvé son efficacité dans la réduction du stress, des nausées. En revanche, je suis plus vigilante sur tout ce qui est naturopathie, car ce sont des plantes et il peut donc y avoir des effets secondaires délétères. »

 

Une philosophie du soin différente

Proposer des soins complémentaires, c’est déjà un progrès, saluent les patients. Mais tous les hôpitaux n’ont pas épousé la philosophie de certaines associations et des Centres Ressource. Qui mettent la personne et ses désirs au cœur de la démarche. C’est un « vrai changement du rapport médecin-malade, le patient construit et n’a besoin que d’un bon architecte », synthétise le Dr Mouysset.

« Le patient décisionnaire, ce n’est clairement pas acquis, regrette Marie-Françoise, qui fait la différence entre l’approche respectueuse des intervenants des Centres Ressource et les médecins des hôpitaux « humains, mais pas toujours à l’écoute. Moi on m’a imposé une chimiothérapie il y a quelques mois, j’ai refusé, ils sont revenus à la charge plusieurs fois. Je ne suis ni un numéro, ni un dossier. »

20 minutes.fr

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