Afrique; La RD Congo fait face à la première épidémie d’Ebola en zone de conflit

L’épidémie d’Ebola qui frappe depuis août le Nord-Kivu a déjà fait au moins 131 morts. L’OMS s’alarme de la recrudescence des infections et de la difficulté de dépister les patients dans une région en proie à des conflits armés violents.

 La situation est inédite. Pour la première fois depuis la découverte du virus Ebola en 1976, les organisations de santé sont confrontées à une grave épidémie de fièvre hémorragique dans une zone de conflit. Plus de 200 cas confirmés et 131 décès ont été recensés dans le territoire de Beni, dans l’est de la République démocratique du Congo, depuis début août. Cette zone forestière du Nord-Kivu très densément peuplée, qualifiée localement de « triangle de la mort », est le fief de plusieurs groupes armés qui font face aux soldats congolais. Parmi eux, les rebelles ougandais des Allied democratic forces (ADF), qui ont fait en quatre ans plus de 700 victimes civiles dans la région, selon l’ONU.

Dans ce contexte très instable, le ministère congolais de la Santé et ses partenaires – dont l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et Médecins sans frontières (MSF) –, ne parviennent pas à circonscrire les infections. Et ce malgré le succès de la campagne de vaccination expérimentalemenée pendant la précédente épidémie dans la province de l’Équateur (nord-ouest). « C’est la première fois que nous faisons face à une urgence d’épidémie Ebola dans un contexte de guerre. Cela va rendre la riposte encore plus difficile, notamment en termes d’effort pour limiter l’expansion de la maladie dans des zones difficiles d’accès. Notre mobilité sera réduite », signalait en août Gwenola Seroux, responsable de la cellule des urgences de MSF.

L’OMS, qui annonce avoir vacciné plus de 16 000 personnes « à risque » dans la zone infectée, prévoit que la réponse à l’épidémie sera de plus en plus limitée par les problèmes de sécurité, particulièrement à Beni, une métropole d’au moins 100 000 habitants où ont été répertoriés, depuis la mi-septembre, les trois quarts des nouveaux malades. Le 22 septembre, une attaque des ADF dans un faubourg de la ville, qui a fait une vingtaine de morts, a obligé les autorités sanitaires à suspendre leurs opérations quelques jours. La situation est telle que l’organisation prévoit une réunion d’urgence, mercredi 17 octobre.

L’OMS affirme tenter, de concert avec le ministère congolais de la Santé, d’avertir les groupes rebelles des risques qu’ils encourent s’ils empêchent les équipes de santé de travailler. Selon le gouvernement local, la police et l’armée « sécurisent les prestataires sanitaires, la nuit comme le jour, pour éviter les enlèvements, les tueries ».

 

Risque national « très élevé »

« Beni est à présent l’épicentre de l’épidémie d’Ebola, à cause d’un ‘mix’ toxique de facteurs conduisant à l’augmentation des infections : insécurité aiguë limitant l’accès aux communautés et aux familles, manque de confiance chronique des communautés après des années de conflit, et peur et rumeurs sur la maladie », prévient dans un tweet Peter Salama, responsable des urgences sanitaires à l’OMS.

L’ampleur du risque a conduit l’OMS à placer le niveau d’alerte de propagation du virus régional et national à « très élevé ». Les déplacements de population très importants dans la zone, dus en partie aux conflits armés, complexifient également la recherche et le suivi des personnes infectées. Les régions et pays frontaliers (Ouganda, Soudan du Sud, Rwanda et Burundi) sont en état d’alerte.

« Je ne sais pas où aller car les ADF menacent du côté de Oicha-Eringeti, où il y a d’autres membres de ma famille. Nous sommes entre le marteau et l’enclume, les ADF d’un côté et Ebola de l’autre », soupire auprès de l’AFP un cultivateur de 38 ans, père de cinq enfants.

Selon le ministre de la Santé congolais, Oly Ilunga, le déplacement de l’épicentre vers Beni constitue une « deuxième vague » de l’épidémie, qui représente un « haut risque ». Au-delà des problèmes sécuritaires, il est urgent de répondre aux résistances communautaires et au manque d’implication des médecins traditionnels, vers lesquels se tournent toujours une importante partie de la population, pour espérer circonscrire rapidement la propagation du virus.

« Il est souvent difficile d’obtenir cette confiance au début d’une épidémie, lorsque de nombreuses personnes décèdent au sein du centre de traitement d’Ebola. Les gens commencent à croire que les patients sont tués à l’intérieur ou que nous les aidons à mourir », témoigne Hilde de Clerck, médecin spécialiste d’Ebola pour MSF, de retour du Nord-Kivu.

France 24

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