C’est une crainte des producteurs de céréales en France : l’Algérie, troisième importateur de blé au monde, songe à ouvrir son marché au blé russe, pour faire des économies. Pour cela Alger s’apprête à abaisser ses exigences sur la qualité des grains.
L’Algérie voudrait alléger sa facture céréalière, de plus en plus salée : près de 2 milliards de dollars rien que sur les sept premiers mois de l’année, en hausse de 11%. Et ce malgré une meilleure récolte nationale. Les Algériens mangent deux fois plus de pain que les Français, près de 250 kilos par habitant et par an, le record mondial. Et ce pain est largement subventionné.
90% de blé français depuis juin
Pour économiser des devises l’Algérie pourrait donc renoncer à sa préférence pour le blé français. La moitié de ses achats sur les trois dernières années, 90% depuis juin dernier, parce que les pays d’Europe du Nord n’ont rien à exporter cette année. La panification est très semblable de part et d’autre de la Méditerranée. Et le blé français répond au cahier des charges très strict de l’OAIC, l’office public algérien chargé des appels d’offres céréaliers. « Parmi les spécifications, détaille Jean-François Lépy, du Syndicat national du commerce d’exportation des céréales, ils vont regarder les critères qu’on appelle les grains piqués ou les grains punaisés. Des grains qui, soit au moment de la récolte ou mal stockés, ont été marqués par des insectes. La tolérance sur cette spécification pour le cahier des charges algérien ne dépasse pas 0,2% pour les grains piqués dont 0,1% pour les grains punaisés. »
Tolérance de 0,5% sur les grains piqués ?
Pourtant l’Algérie pourrait devenir plus tolérante sur ces défauts, pour accueillir le blé russe, dont le taux de grains piqués s’élève couramment à 0,5%. Une délégation algérienne est sur le point d’effectuer une deuxième visite en Russie.
Economie de 5 à 20 dollars la tonne
Si elle est concluante, les exportateurs français craignent de devoir s’aligner sur des prix très inférieurs. « Quel est l’écart de prix entre le prix sur 6 mois de l’année entre des blés français et des blés russes ? On est sur 5 à 15-20 dollars la tonne, précise Jean-François Lépy. C’est cet écart-là qu’on va perdre, on ne va pas aller le chercher dans la poche des commerçants, ni dans les silos portuaires, ni dans la logistique, ça va être dans le prix payé au paysan. »
Approvisionnement russe moins régulier
Pour défendre son premier débouché hors d’Europe qu’est l’Algérie, la filière française met en avant la régularité de ses lots et le fait qu’elle n’a jamais lâché son premier client, même en 2016 quand elle a enregistré sa plus mauvaise récolte en 30 ans. Alors que la Russie a déjà restreint ses exportations, en 2010, en 2012, et qu’elle s’apprête à le faire de nouveau.
RFI