Après 83 ans d’histoire, le plus grand marché aux poissons du monde, celui de Tsukiji, situé au coeur de la capitale japonaise, a déménagé deux kilomètres plus au sud dans la baie de Tokyo, sur le nouveau site ultra moderne de Toyosu. Un déménagement controversé et qui a pris un retard considérable…
Le déménagement de Tsukiji à Toyosu était envisagé depuis plusieurs décennies. Les autorités jugeaient vétuste, insalubre, nuisible à la santé le marché de Tsukiji avec ses hangars aux toits de tôle ouverts à tout vent. Il ne répondait plus non plus aux normes antisismiques les plus récentes. L’opposition des tout puissants grossistes, marchands et restaurateurs très attachés a Tsukiji a longtemps empêché ce déménagement. Il a été reporté une énième fois en raison de problèmes sanitaires sur le site de Toyosu où se trouvait auparavant une usine à gaz. Il y avait des craintes relatives à la pollution des sous-sols.
La pollution des eaux souterraines de Toyotsu inquiète
En 2016, la gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike, ordonnait des examens supplémentaires et au début de cette année, elle déclarait que Toyosu, le nouveau marché aux poissons, ne posait plus de problèmes sanitaires. Sans convaincre… En décembre dernier, la municipalité de Tokyo relevait encore la présence de benzène à un taux 130 fois supérieur aux recommandations, dans un des puits d’inspection du site de Toyosu. Tout ce qu’un responsable de la municipalité a pu déclarer, c’est que la contamination ne s’était pas aggravée. Ce qui doit être contrôlé c’est l’évolution des échantillons d’eau souterraine pour savoir si la pollution augmente, baisse ou reste la même. Le sol contaminé a été recouvert de béton. Et il n’est pas prévu d’utiliser cette eau pour l’activité du marché. Mais la municipalité de Tokyo y mesure régulièrement la présence de benzène et d’arsenic. La qualité de l’air en surface ne pose pas de problème.
Un déménagement événement
Ce déménagement du marché de Tsukiji à Toyosu est sans précédent par son ampleur. Ces cinq derniers jours, 900 entreprises ont quitté Tsukiji pour s’installer à Toyosu. Sur leurs étals, 480 sortes de poissons, 270 variétés, de fruits et légumes pour un total de 3 000 tonnes de marchandises qui sont vendues chaque jour. Pour une recette journalière de 15 millions de dollars. Le nouveau marché ne sera pas autant ouvert au public. Les touristes ne pourront plus voir à l’aube les ventes aux enchères de thon. Ils ne pourront voir qu’une partie du marché depuis une passerelle. Tsukiji pourrait renaître sous la forme d’un parc à thèmes gastronomiques.
Un marché aux poissons menacé
Le déménagement de Tsukiji risque d’avoir le même effet pour Tokyo que la disparition des Halles de Paris : 3,5 milliards de dollars de deniers publics ont été investis dans le nouveau marché de Toyosu. Mais son mode de fonctionnement n’a pas changé depuis 1923. Le marché est contrôlé par des grossistes et des intermédiaires. Leurs commissions sont élevées. Les chaînes de restaurants et de supermarchés ne passent donc plus par le marché aux poissons de Tokyo. Elles achètent leurs produits directement auprès des producteurs à bien meilleur prix. Un bon nombre d’entreprises familiales d’intermédiaires ont déjà disparu. Et cette restructuration en cours de la distribution est une menace existentielle pour le marché de Toyosu.
RFI