En Syrie, au Kurdistan irakien, 120 enfants français se trouvent toujours dans des camps avec leurs parents. Leurs familles en France réclament leur rapatriement. Mais pour le Quai d’Orsay, leur situation est délicate : les enfants se trouvent dans une zone non reconnue officiellement.
Au sujet des combattants français arrêtés en Irak et en Syrie, l’Etat a toujours été clair : femmes et hommes djihadistes devront être jugés sur place, bien que Français. Seul bémol apporté par Paris, la possibilité d’intervenir si l’un ou l’une d’entre eux était condamné à mort. En avril dernier, Emmanuel Macron avait ainsi précisé que l’Etat français demanderait que la condamnation à mort soit commuée en peine de prison. Mais que faire des enfants français, présents sur le sol irakien et syrien?
Plusieurs d’entre eux, ceux qui se trouvaient en Irak, ont été rapatriés et pris en charge par les services sociaux. En janvier, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, évoquait le cas de 66 enfants rentrés en France, dont les deux-tiers avaient moins de 5 ans. Mais pour ceux qui se trouvent en Syrie, la situation est plus complexe. Or, leur nombre n’est pas anodin : on parle de 120 enfants français, recensés par le ministère des Affaires étrangères.
Des familles demandent le rapatriement
C’est notamment le cas des deux enfants de Saïda, une jeune femme originaire de Lunel, dans l’Hérault, partie pour rejoindre l’Etat islamique en mai 2015. Déjà mère d’une petite fille, elle a eu, sur place, un enfant avec un djihadiste. La mère et ses deux enfants se trouvent aujourd’hui dans un camp géré par les forces kurdes et situé au Kurdistan irakien, dans le nord-est de la Syrie, une zone non reconnue officiellement et héritée de la guerre.
Comme le rapporte Le Parisien, la famille de Saïda demande à l’Etat français de rapatrier les deux enfants, âgés de 9 ans et 2 ans. « Ils dorment dans le froid, sous des tentes, ils n’ont pas toujours assez d’eau ni de nourriture », raconte notamment le frère de la jeune femme de 31 ans, au journal. Et ce, depuis 13 mois. Son frère raconte également les violences subies par Saïda et estime que les deux enfants se trouvent aujourd’hui en « danger de mort ». « Il faut les ramener ces petits, ils sont citoyens français! », lance-t-il encore. Selon le journal, un enfant de 18 mois, né en Syrie d’une mère français, serait mort écrasé par un camion militaire il y a trois semaines.
L’Etat français dans l’embarras
Leur avocate, maître Sophie Mazas, avait d’ailleurs rendez-vous au Quai d’Orsay jeudi pour défendre la demande de rapatriement. Mais dans ce dossier, la position de la France est complexe : les enfants se trouvent dans une zone non reconnue et Paris n’a plus de relations diplomatiques avec Damas. Pour l’avocate, l’argument ne tient pas. Elle évoque la Convention de Vienne qui, rappelle-t-elle dans les colonnes du Parisien, « dit qu’un autre pays de confiance peut exercer la protection consulaire ». « Le Maroc, les Etats-Unis ont rapatrié leurs ressortissants, pourquoi pas la France? », s’étonne-t-elle encore.
Une position partagée par Marc Trévidic, l’ancien juge antiterroriste. Interrogé par le JDD en mars dernier, il s’était prononcé en faveur du rapatriement des enfants en bas âge. « Cela dépend de l’âge et de la situation des enfants. Mais s’ils ne sont pas responsables pénalement et qu’ils sont Français, alors il faut qu’on s’en occupe. Par contre, il faut les sortir de leur milieu criminogène. S’ils sont avec un parent qui est détenu, poursuivi ou salafiste radicalisé, il faut les placer. Il n’y a pas d’autre solution. Un enfant de 5 ans qui se trouve en Syrie et qui est Français, je ne vois pas au nom de quoi l’Etat français ne lui accorderait pas sa protection et n’irait pas le récupérer pour s’en occuper », avait-il ainsi expliqué.
JDD.FR