Le candidat d’extrême droite, qui affronte celui du Parti des travailleurs (gauche) au second tour de la présidentielle, doit notamment faire face à des accusations de corruption visant son principal conseiller économique.
Paulo Guedes était désigné depuis le début de la campagne comme le futur ministre de l’économie de Jair Bolsonaro, si le candidat d’extrême droite arrivait à emporter cette élection présidentielle.
Le parquet fédéral anticorruption soupçonne pourtant cette économiste ultra libéral d’avoir participé à une fraude aux retraites de grandes entreprises publiques. Plus de 230 millions d’euros auraient ainsi été détournés entre 2009 et 2014, explique le correspondant de RFI à Rio de Janeiro, François Cardona
Paolo Guedes n’est pour l’instant pas formellement accusé mais cette affaire tombe mal pour Jair Bolsonaro : le favori de cette élection est connu pour avoir promis de « nettoyer le Brésil de ses élites corrompues ».
Alors le favori des sondages a voulu contre-attaquer en dévoilant les personnalités qui pourraient intégrer son gouvernement, une fois élu. Favorable à un rôle accru des militaires dans la vie politique, Jair Bolsonaro a choisi plusieurs généraux comme ministres. Agriculture et environnement seraient chapeautés par un proche des lobbies de l’agro-industrie. Quant au ministère des Sciences, il pourrait être attribué à un ancien astronaute, un lieutenant-colonel reconverti dans le secteur privé.
Les accusations à l’encontre de Paulo Guedes ne sont pourtant pas les seules turbulances que connaît la campagne du dirigeant d’extrême droite.
La Bourse dévisse
Mercredi matin, la Bourse de Sao Paulo, qui avait montré son enthousiasme pour l’ex-capitaine de l’armée avant le 1er tour, a perdu 2,3 % en fin de séance après que le candidat a évoqué un plan de privatisations dans le secteur énergétique plus modeste qu’attendu.
Ses déclarations tard mardi à la chaîne de télévision Band TV ont fait plonger les cours du groupe étatique Eletrobras de plus de 13 %, avant qu’il ne limite ses pertes à 8,3% en fin de séance, note l’Agence France-Presse. Le candidat a affirmé qu’en cas de victoire, seule la branche distribution de la compagnie, et non le secteur de la production, serait privatisée.
Quant au groupe pétrolier public Petrobras, il doit être « préservé » et les privatisations ne concerneront que les installations de raffinage et non le noyau d’activité de la compagnie, a-t-il déclaré. Il est aussi revenu sur son projet de réforme du régime des retraites, estimant qu’il devrait être mis en oeuvre « doucement ».
Jair Bolsonaro a aussi averti qu’il ne laisserait pas des secteurs clés de l’économie tomber aux mains de capitaux chinois. « Nous allons privatiser pour des capitaux qui viennent de quel coin du monde ? La Chine n’achète pas au Brésil, la Chine achète le Brésil », a lancé le candidat, le géant asiatique étant le plus grand investisseur au Brésil et un de ses principaux partenaires commerciaux.
Pour les marchés, enthousiastes après l’annonce des resultats du premier tour, ce fut la douche froide.
Haddad en embuscade
Dans ce contexte, le rival de Jair Bolsonaro, le candidat du Parti des travailleur Fernando Haddad a bien conscience qu’il a une carte à jouer et qu’un débat avec Jair Bolsonaro pourrait jouer en sa faveur. Le candidat d’extrême droite est connu pour la violence de ses propos, et il risquerait de perdre patience face au candidat du Parti des travailleurs, aux attitudes plus mesurés, note notre correspondante à Rio, Sarah Cozzolino.
« Au second tour, le poids des fake news est moins important, si et seulement si il y a un débat. Parce que s’il y a un débat, celui en face de toi va te poser des questions, il n’y a que lui pour le faire et toi pour répondre », a déclaré le candidat de gauche, qui a pris la relève de l’ex-président Lula lorsque la candidature de celui-ci fut invalidée.
Jair Bolsonaro, agressé le 6 septembre dernier, échappe aux confrontations directes avec ses adversaires depuis le début de la campagne en prétextant l’interdiction de ses médecins. Et il a indiqué qu’il ne participerait à aucun des quatre débats initialement prévu pendant l’entre-deux-tours.
Fernando Haddad tente de trouver la parade : « Il cherche des subterfuges pour échapper aux débats. Moi je suis disposé à aller jusqu’à une infirmerie pour débattre avec lui. S’il faut que ce soit dans une infirmerie, j’irai dans une infirmerie pour qu’on puisse débattre du Brésil. »
Jusqu’ici Jair Bolsonaro ne s’est pourtant pas privé de donner des interviews depuis chez lui. Une méthode qui semble bien fonctionner puisqu’il est crédité de 41 à 45 % d’intentions de vote selon les derniers sondages.