Un chercheur toulousain explique avoir décelé différentes « impuretés » dans des lots de la nouvelle formule du Levothyrox commercialisée à partir de mars 2017.
Des impuretés et des changements d’excipients : un chercheur toulousain a évoqué, jeudi 4 octobre, une « avancée scientifique majeure » sur le site d’investigation Médiacités, susceptible d’expliquer les effets indésirables de la nouvelle formule du Levothyrox, dénoncée par de nombreux patients, et qui fait l’objet de plusieurs actions en justice.
Chercheur au Laboratoire des interactions moléculaires et réactivité chimique et photochimique (IMRCP), unité mixte de l’université Paul-Sabatier de Toulouse et du CNRS, Jean-Christophe Garrigues a été sollicité par l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT) pour analyser différents lots de Levothyrox dans le cadre des procédures en cours contre le laboratoire allemand Merck, qui le produit.
Le chimiste a expliqué avoir décelé différentes « impuretés » dans des lots de la nouvelle formule du Levothyrox commercialisée à partir de mars 2017. Ces éléments chimiques étaient absents des cachets de l’ancienne formule et « diminuent de façon significative » dans les lots vendus actuellement, explique le chercheur sur la base de ses propres analyses. Pour l’AFMT, cette découverte pourrait laisser penser que la formule a de nouveau été modifiée par le fabricant.
« Bonne qualité de la nouvelle formule »
Selon Jean-Christophe Garrigues, la présence de ces impuretés était mentionnée par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dans son rapport de juillet 2018. L’ANSM a rappelé, jeudi, avoir procédé à plusieurs contrôles dans ses laboratoires, dont des analyses comparatives de comprimés de Levothyrox nouvelle formule et ancienne formule. Elle conclut :
« Les analyses chromatographiques réalisées pour la recherche de dextrothyroxine, une impureté, démontrent la présence de quantités de lévothyroxine comparables entre l’ancienne et la nouvelle formule, qui n’est donc pas sous-dosée. Elles montrent également la présence de dextrothyroxine uniquement à l’état de traces dans la nouvelle comme dans l’ancienne formule, ce qui est tout à fait conforme aux spécifications attendues. »
Ce qui confirme, selon l’ANSM, « la bonne qualité de la nouvelle formule du Levothyrox ».
Revenons à cette étude : « Après avoir analysé l’étude de l’ANSM, nous avons réalisé notre propre chromatogramme pour séparer tous les éléments à partir des lots qui nous avaient été fournis, quatre de la nouvelle formule, trois de l’ancienne formule avant son retrait, en 2017, et un vendu actuellement. Nous avons constaté un pic important d’impuretés dans la nouvelle formule », précise M. Garrigues, qui ajoute toutefois devoir « continuer les recherches pour identifier la nature de ces impuretés et savoir si elles sont toxiques ou non ».
Dans la nouvelle formule, l’un des excipients, le lactose, a été remplacé par du mannitol, un édulcorant très répandu, sans effet notoire à petite dose, et de l’acide citrique a été ajouté afin de stabiliser le médicament. Le chercheur évoque « l’incompatibilité du mannitol avec la lévothyroxine, principe actif du Levothyrox, non pas dans le comprimé mais une fois qu’il est absorbé », une hypothèse qui pose question.
En France, près de trois millions de personnes prennent du Levothyrox pour corriger une hypothyroïdie liée à l’insuffisance de production d’hormones par la thyroïde ou à son absence. Le Levothyrox a changé de formule en France en mars 2017. Durant l’été 2017, des milliers de patients ont commencé à signalerdes effets secondaires parfois très gênants (fatigue, maux de tête, insomnie, vertiges, douleurs articulaires et musculaires et chute de cheveux).
Le troisième rapport de pharmacovigilance sur le Levothyrox, dévoilé en juillet par l’Agence du médicament, n’a pas permis d’expliquer la vague des effets indésirables attribués par certains patients à la nouvelle formule.
Un porte-parole de l’ANSM a dit que « si des éléments nouveaux étaient apportés par cette étude, ils seraient vraisemblablement pris en compte et feraient l’objet d’une contre-expertise ». Le laboratoire Merck a jusqu’ici toujours affirmé qu’il n’y avait aucun problème lié à sa nouvelle formule.
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