Le gouvernement a le devoir de cerner les contours d’un danger rampant – Le gouvernement a donc l’obligation de situer les responsabilités, sans chercher des boucs-émissaires pour se défausser de la sienne
Depuis trois mois la banlieue dakaroise vit dans l’angoisse des pénuries d’eau. Au-delà du déficit structurel estimé à 40 000 M3/j d’eau par jour, la réparation de l’anti-bélier en délicatesse a occasionné l’arrêt d’une pompe, et délesté le réseau de 12 000 m3/j. D’où un gap installé de 54 000 m3/J, le temps que durent les travaux de réparation. Comme à l’accoutumée, les maraîchers, tirent autour de 20 000 m3/j, dépassant de loin le quota de 11 000 M3/J qui leur est contractuellement réservé, depuis la réforme de 1995. Et en dépit de la mise en œuvre du programme d’urgence de la SONES et de la Sde, pour mobiliser au moins 25 000 m3/J et le décrochage des horticulteurs des Niayes enfin branchés sur les forages de Thiaroye et Mbethialène (12 000 m3.j), le déficit devenu endémique ne pourra être entièrement, résorbé.
La production est encore insuffisante à couvrir les besoins en alimentation en eau. Encor une fois, il ne s’agit pas d’incident d’exploitation à la charge du fermier. Il faut y voir tout simplement, une grosse difficulté structurelle des équipements d’exhaure de traitement et de transport à mobiliser et acheminer le volume nécessaire à la satisfaction des ménages. Les responsabilités sont du reste, bien délimitées par les divers contrats.
Il faudra certainement attendre, la période de la fin de chaleur, pour espérer un reflux ses consommations domestiques et que le manque à gagner structurel se réduise à des niveaux supportables par habitants des quartiers hauts de Dakar. En tout état de cause, faute de solution durable, Dakar manquera d’eau, même si le préjudice pour les quartiers de la banlieue représente moins de 10 % de la production globale sur le territoire national (500 000 m3/). Dans plus de 70 centres du périmètre affermé de la Sde, seules quatre villes sont impactées (une partie de Dakar 1, de Dakar 2, quelques quartiers de Thiès, Foundiougne et Kédougou).
Fût-ce un seul homme qui manquerait d’eau, que cela mériterait notre indignation. Aujourd’hui, c’est bien des quartiers entiers, qui courent désespérément derrière le liquide précieux. Le cri de cœur de ces milliers de femmes et jeunes gens réclamant de bon droit, la continuité de service, ne peut laisser indifférent. Aucune autre alternative que de leur procurer cette denrée vitale, n’est acceptable. On aura beau afficher les remarquables performances du sous-secteur de l’hydraulique urbaine (Sones et Sde confondues dans les mêmes éloges) que rien n’y pourra y faire. L’eau est un bien économique, social, culturel, cultuel dont personne ne peut se passer. Il y a va de l’intégrité physique des consommateurs et de leur équilibre socioculturel. Et de la stabilité nationale. Une crise durable de l’eau compile tous les germes d’une crise majeure, dont les conséquences sont imprévisibles. Question de survie, voire de vie tout court.
Le gouvernement a donc le devoir de cerner correctement les contours d’un danger rampant. Il a donc l’obligation de situer les responsabilités, sans chercher des boucs-émissaires pour se défausser de la sienne. Or depuis le début de la crise, le gouvernement multiplie les maladresses. Tout acteur disposant de la moindre information sur le secteur, sait que la réparation du dispositif de l’anti-bélier prendrait au mieux deux mois. Le délai de quinze jours était fantaisiste. L’empressement avec lequel (nécessité oblige), la Sones a tenté délicatement de mettre en œuvre le programme d’urgence entamé il y an quelques mois, montre à quel point la pression du stress hydrique était forte. La solution ne résidait à promettre des délais irréalistes, mais à tenir un langage réaliste, sérieux, courageux et courageux. Un langage de vérité. Quand les délais ne sont pas tenus, la méfiance s’installe. Et puisqu’ils ne l’ont pas été, le retour de manivelle est rude et tombe en plein visage sur l’État et la Sones. Et la Sde n’a pas échappé aux dégâts collatéraux, l’exploitant, est en front de ligne face aux consommateurs. C’est lui qui facture et encaisse. Mais, contrat d’affermage oblige, la responsabilité de l’investissement, lui échappe. Elle incombe à l’état et au concessionnaire Sones.
A l’évidence, cette délimitation n’intéresse que très peu le consommateur, qui manque d’eau. Et ne voit que la Sde en face en de lui dans une situation aussi difficile marquée des erreurs de communication très causées par le Ministère de l’hydraulique en proie à d’incroyables voltes-faces. Plutôt que d’analyser les vraies raisons de cette colère compulsive, il brandit le retard d’investissement imputable selon lui à l’ancien régime. Il tente de présente le projet KMS 3 comme une invention de l’actuel régime, une panacée durable, pour Dakar. Que non ! Sous le gouvernement précédent, le projet et plusieurs autres scénarios étaient déjà arrêtés, le principe du financement obtenu les études techniques entamées.
Il ne sert à rien de vouloir mettre en cause le principe de a continuité de l’État pour tenter de se tisser des lauriers. Le gouvernement actuel a eu le mérite d’avoir poursuivi le processus entamé, même si de nombreux retards ont été constatés sur le démarrage des travaux, encore à l’état stationnaire. En dehors du bardage des tuyaux de transport acheminés à Dakar et de quelques petits travaux de génie civil sur le futur supresseur, rien n’a été commencé. Il sera particulièrement osé de prévoir la mise en servide de KMDS3 en début 2020. KMS 1 et KM2 (65 000 M3) ont pris chacun plus de trois ans de travaux. Et KMS 3 encore dans le starting-box triple la capacité de chacune de ces stations de traitement et de pompage (-avec 200 000m3/j). Pourquoi vouloir entretenir de faux espoirs de solutions définitives parce que les élections présidentielles pointent à l’horizon ? Pourquoi vouloir enfumer les électeurs par des promesses irréalisables ?
De surcroît, il est de notoriété que la solution durable ne réside pas dans la multiplication des KMS et des usines de dessalement. Avec une densité démographique de 6000 habitants au km2 ; avec le temps de mobilisation des ressources financières rares et chers, on ne peut s’installer dans une folle course contre la montre. En 2020, avec un taux d’accroissement démographique de 2,5 %, le réseau sera déjà saturé, les constructions en hauteur ne favorisent la bonne pression. Et la multiplication dans les quartiers de surpresseurs, va augmenter l’impact de l’électricité sur le cout de l’eau. D’où la survenance de plusieurs scénarios : soit une révision des tarifs à la haure, soit faire monter le prix de rémunération de l’exploitant (PE), soit faire baisser le prix patrimoine (PP). Avec comme conséquence, une décélération des investissements nouveaux et des travaux. Sans parler du non-paiement du service de la dette par la Sones.
Il ne faut aucun doute qu’une issue de pénurie chronique ne peut venir que du désengorgement de Dakar. Cette décongestion est inévitable si l’on veut sortir de la spir16 ale des KMS, couteuse, inefficace et conflictologène. Une nouvelle politique d’aménagement urbain est un passage obligé, car l’exploitation des eaux souterraines a montré ses limites en termes de qualité. L’eau traitée de KMS présente certes de meilleures garanties de confort et de santé. Mais à l’évidence, cette solution n’est pérenne car très onéreuse. Elle entraîne la mise à contribution de nombreux ouvrages, sans réel impact sur le volume de la production. Un lourd contentieux sur le cout de l’électricité oppose la Sones et la Sde (qui paie une facture annuelle de 16 milliards à la Senelec.) Le dessalement, en dépit des succès de la technique de l’osmose inverse, comporte des risques environnementaux graves pour nos écosystèmes terrestre et marin.
Malgré ces nombreuses entraves, le couple-Sones-Sde est performant car cette expérience est adulée en Afrique et dans le monde. Les indicateurs de gestion et de production le démontrent amplement Ce modèle économique est certes complexe. Mais ses résultats sont impressionnants. La Sones est un service référencé dote de grandes capacités managériales, quoique victime des changements de directeurs généraux, neuf depuis 2000. La Sde est un modèle de performance, qui jouit de statistiques les plus flatteuses sur la distribution et le marketing de l’eau. Son implication dans l’investissement a même changé la nature du contrat d’affermage en le faisant évoluer vers un affermage concessif. C’est à la faveur de son management que la Sones peut mobiliser les ressources financières nécessaires aux investissements et au règlement du service de la dette supportée par Sones.
En somme, si la Sones prend des risques sur le capital, en tant qu’emprunteur, la Sde prend des risques d’exploitation et devient la cible directe des consommateurs en cas d’écart dans la qualité de la distribution. Le système ne dispose certes pas d’organe de régulation, mais la fonction est assumée par plusieurs structures. C’est l’état, qui faute de payer ses dettes (45 milliards), de veiller au respect du contrat de performance le liant à la Sones, qui fausse le jeu.
Au moment où se joue un tournant important dans la gestion future de l’eau en milieu urbain, il est bon de se rappeler que la qualité de ce modèle économique nous incline tout naturellement à la poursuite de l’expérience difficile, certes, imparfaite. Cependant elle est la meilleure garantie contre l’aventure de Suez et Véolia déjà recalés au Sénégal, pour insuffisance d’offre technique en 1971 (Véolia) et 1996 (Véolia et Suez). On prête au gouvernement sénégalais, l’intention de vouloir mettre en scelle, l’entité française, Suez. Une telle perspective serait des plus hasardeuses, car le groupe international, n’a ni la connaissance du milieu, ni la maitrise et la familiarité avec les ressorts sociaux pour assurer une bonne gouvernance du secteur. Sa toute puissance financière lui ouvrira facilement toutes les portes, sans garantie pour une qualité meilleure que celle en cours.
Le couple Sones-Sde, par ces temps difficiles, doit faire montre de plus de solidarité, comme par le passé. L’exemplarité est une quête permanente, mais elle ne signifie pas l’infaillibilité. Et comme le dit l’adage, on apprend plus par ses erreurs. L’eau est trop précieuse pour que l’État prenne le risque d’en faire un enjeu de positionnement géopolitique international. Les dégâts de Suez ou Véolia ne seront en rien comparativement à ceux déjà annoncé d’Auchan.