Grâce à une nouvelle approche fondée sur des « écosystèmes », le plan engagé en 2014 a permis de donner un vrai coup d’accélérateur au secteur secondaire. Bilan à mi-parcours.
Au commencement il y eut le Plan émergence, engagé à la suite d’une étude du cabinet McKinsey commandée durant le mandat de Salaheddine Mezouar au portefeuille de l’Industrie (2004-2007). Son successeur, Ahmed Réda Chami, essaya de donner corps à un Pacte national d’émergence industrielle, une stratégie axée sur les secteurs dans lesquels le Maroc se montre compétitif grâce à sa main-d’œuvre bon marché. Puis vint le Plan d’accélération industrielle (PAI), lancé en grande pompe en 2014 par Moulay Hafid Elalamy, quelques mois après son arrivée à la tête du ministère de l’Industrie.
« Il était légitime de se montrer sceptique, au départ, sur cette énième vision stratégique pour un secteur souffrant de problèmes structurels, nous explique un membre du patronat marocain. Mais, il faut bien l’admettre, le PAouiI a eu le mérite d’enclencher une dynamique dans une multitude de branches industrielles. »
Effectivement, trois ans après le lancement du PAI, le doute a laissé la place à l’enthousiasme. La confiance a été rétablie au sein de cette sphère particulière du monde des affaires qu’est l’industrie, sur laquelle repose désormais l’espoir de trouver un nouveau modèle économique pour le royaume, où le taux de croissance du PIB reste aussi hasardeux que le taux de pluviométrie auquel il est corrélé.
Plusieurs multinationales séduites
Les réalisations issues de cette vision stratégique dépassent en effet tous les objectifs fixés. Moulay Hafid Elalamy, dont le mantra est le travail collectif, tient cependant à rappeler qu’il s’inscrit dans la continuité des efforts engagés depuis le milieu des années 2000.
Il ne peut y avoir de rupture avec ce qui a été accompli
« Il ne peut y avoir de rupture avec ce qui a été accompli, explique l’homme d’affaires [président-fondateur du holding Saham] devenu ministre. Les programmes industriels successifs ont tous pour point commun la vision d’un Maroc industriel positionné dans des secteurs de pointe » et, donc, à forte valeur ajoutée.
Il n’empêche, le PAI est innovant par son approche par « écosystèmes » : pour chaque filière industrielle, il s’agit de favoriser, autour de un ou de plusieurs leaders, la constitution d’une galaxie de PME complémentaires afin de former des communautés d’intérêts partagés, mieux organisées, plus réactives et plus compétitives.
Cette approche a permis de séduire de puissantes multinationales, comme le groupe français PSA Peugeot-Citroën, dont l’usine en cours de construction à Kenitra, près de Rabat, produira 90 000 véhicules par an à partir de 2019. L’avionneur américain Boeing a quant à lui signé une convention d’investissement en septembre 2016 pour développer son « écosystème » dans la zone de Tanger, entraînant dans son sillage l’implantation de 120 sous-traitants et fournisseurs, et la création de plus de 8 500 emplois spécialisés.
Une nouvelle charte d’investissement attendue
La réussite d’un tel modèle repose aussi sur l’activation d’outils de soutien adaptés aux besoins des opérateurs, notamment un appui financier à l’investissement, une palette de formations permettant de qualifier des « profils cibles » et une offre de foncier locatif à des prix attrayants.
À titre d’exemple, sur le plan de la formation des ressources humaines, un travail minutieux a été réalisé pour ventiler de façon précise les 485 450 emplois à créer par an, par profil de compétences et par région. Une cohérence et une capacité de projection qui rendent cette stratégie plus efficace que les précédentes.
Les milieux d’affaires ont cependant encore beaucoup d’attentes. « Malgré toutes les avancées que le PAI a permis de réaliser, le chemin est encore long pour faire du Maroc un pays industriel, assure Abdelhamid Souiri, conseiller à la chambre haute du Parlement pour la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), le patronat marocain. Et cela passe forcément par la promulgation d’une nouvelle charte d’investissement. »
Un dossier auquel s’est attaqué le ministre de l’Industrie dès sa reconduction au sein du nouveau gouvernement, début avril. Un gage de continuité pour une politique industrielle qui produit des résultats.
Les objectifs en passe d’être dépassés
D’importants progrès ont été réalisés dans le cadre du Plan d’intégration industrielle (2014-2020). À mi-parcours, pas moins de 47 « écosystèmes » ont été lancés, dans différentes branches industrielles, qui ont déjà permis de sécuriser 97 % de l’objectif de création d’emplois escompté (soit 500 000 postes).
Ces feuilles de route par branche d’activité ont accaparé plus de la moitié des 17,3 milliards de dirhams (environ 1,55 milliard d’euros) de soutien financier engagé par l’État ; l’autre moitié est revenue, à parts égales, aux PME et aux grands projets. Cet appui est bien entendu adossé à des investissements, qui, à terme, devraient générer pour le pays un chiffre d’affaires supplémentaire à l’export de 132 milliards de dirhams.
En matière d’accès au foncier, plus de 1 147 ha ont été mis à la disposition des opérateurs des « écosystèmes » industriels. Autant d’indicateurs qui tendent à confirmer que l’objectif du PAI de porter la contribution du secteur industriel au PIB national à 23 % à l’horizon 2020, contre 14 % en 2014, sera atteint, voire dépassé.