Comme face à la Roumanie, vendredi, les Bleus ont attendu les dernières secondes pour aller cueillir la victoire. Ils sont qualifiés pour les huitièmes. Mais tout n’a pas été rose.
Il semblerait que cette équipe de France-là soit formatée pour le suspense. Qu’elle apprécie le « money-time ». Qu’elle adore renverser les situations mal embarquées. Qu’elle aime jouer avec ses nerfs, ceux de son sélectionneur et les nôtres. Qu’elle se plaise à refermer sur son rival le piège dans lequel l’Europe entière la voyait tomber. Qu’elle rie d’avance du dépit de ses contempteurs. Ce jeudi matin, cette victoire face à l’Albanie (2-0) suffit à son bonheur. Si les grandes destinées naissent dans la douleur, alors ces Bleus s’avancent doucement, mais sûrement, vers un fabuleux destin.
Les retrouver en huitièmes de finale ne constitue pas une surprise, ni un exploit. C’était même le degré minimal d’exigence avant le lancement de la compétition. Il vaut mieux, avant d’affronter la Suisse dimanche, avec la première place en jeu (un nul suffit aux Français), éviter les analyses définitives et forcément déplaisantes pour un groupe qui a suscité tout au long d’une première période, comparable à un brouet, de vives inquiétudes. « Je préférerais qu’on débloque la situation plus tôt, concède Didier Deschamps. Je retiens les six points, la qualification. Mais, c’est sûr, on peut toujours faire mieux. La pelouse, un véritable désastre, n’a aidé personne, même si ce n’est pas une excuse. »
Deux succès d’entrée comme en 1984 et en 2000 !
Ce matin, il est trop tôt pour savoir si la bande à Lloris vivra l’un de ces étés qui laissent des souvenirs et des belles images pour la vie. Mais l’équipe de France serait bien inspirée, avant de quitter Marseille, d’aller faire un détour par Notre-Dame-de-la-Garde pour brûler quelques cierges et remercier Griezmann buteur providentiel au Vélodrome, comme avait su l’être Payet (auteur du second but à Marseille), cinq jours plus tôt au Stade de France.
Longtemps accrochés par de vaillants Albanais, les Tricolores ne maîtrisent pas encore totalement leur sujet. Ils n’ont pas beaucoup de marge, mais sont détenteurs de ressources morales singulières. Ils ne lâchent rien et paraissent habités par un mental de compétiteur présent dans l’ADN de leur sélectionneur dont les choix initiaux, consistant à remplacer Griezmann et Pogba par Coman et Martial, n’ont pas fait flores.
En attendant, la performance des Bleus ramène à la surface une statistique, comme une promesse : à chaque fois qu’ils ont commencé un Euro par deux succès, en 1984 et 2000, ils ont remporté l’épreuve.
On s’en était déjà aperçus à Nantes, à Metz puis au Stade de France. On en a eu une confirmation éclatante à Marseille : la France croit en ses hommes. Les clignotants sont au vert dans un pays en proie pourtant à une crise de confiance dans bien d’autres secteurs. Le football est devenu une bouée de sauvetage, un miroir qu’on ne tient pas à briser.
Les Français se projettent dans leur équipe nationale, taisent leurs différences, tassent leurs antagonismes. Il y a une dynamique vertueuse autour des hommes de Deschamps. Les Bleus doivent s’attendre à fédérer encore davantage, à pousser en cas de nouveaux succès un pays dans la rue.
Source:leparisien.fr