ÊTRE CHEF DE L’ÉTAT ET CHEF DE PARTI POLITIQUE EST CONCILIABLE PAR LA VERTU

L’opposition politique n’a jamais vu d’un bon œil le fait qu’un président de la République soit en même temps chef de parti politique. Elle pense à tort que la fonction de chef de l’État est inconciliable avec le statut de chef de parti. Donc, au titre de président de la République de tous les Sénégalais sans exception, il doit être, en principe, au-dessus des partis politiques et se consacrer exclusivement à la mise en œuvre de son programme pour lequel il a été élu. Succinctement, ce que je crois : être chef de l’État et chef de parti est conciliable par la vertu.

Notre modèle institutionnel démocratique d’inspiration occidentale repose sur la séparation des trois pouvoirs : le pouvoir exécutif, le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif consacrée par notre Constitution. En effet, la séparation de ces pouvoirs précités est une réalité observable par tout observateur de la scène politique voire même par tout Sénégalais avisé. Le problème qui devrait être à l’ordre du jour est celui de la question de l’indépendance des individus qui incarnent et animent ces pouvoirs que celui relatif à la séparation physique entre ces pouvoirs prénommés.

De 1960 à nos jours (2017), tous les chefs d’État qui se sont succédé à la Magistrature suprême au Sénégal ont été à la fois chef de l’État et chef de parti. De l’ancien président de la République, M. Léopold Sédar Senghor, en passant par M. Abdou Diouf et Me Abdoulaye Wade jusqu’au Président actuel, M. Macky Sall. Où se trouve donc le problème ? La plupart des analystes politiques critiquent le fait que le chef de l’État continue d’être chef de parti une fois élu dans notre pays. Ce double statut d’être président de la République et chef de parti politique en même temps aurait été à l’origine du comportement partisan de l’Assemblée nationale. Qu’elle soit accusée d’être toujours à la solde des désirs du chef de l’État en place s’explique par le fait que le président de la République et chef de parti a toujours eu la majorité du nombre de députés. Ce qui fait que ses projets de lois et de budgets à lui sont votés sans aucun problème.

La séparation du pouvoir législatif (de l’Assemblée nationale) d’avec le pouvoir exécutif est chose faite par la Constitution. C’est un acquis irréversible. Cependant, quant à la question : est-ce que l’Assemblée nationale est indépendante ou pas ? La réponse à cette question va de soi. Ce qu’il faut noter, c’est qu’il est souvent déploré la soumission de l’Assemblée nationale à la volonté du président de la République. Ce que je pense : être indépendant ou ne pas l’être, on est député ou on ne l’est pas est une affaire personnelle, c’est-à-dire une question qui s’inscrit dans l’ordre du choix personnel de chaque individu de choisir d’être indépendant ou de ne pas l’être.

Dans le fonctionnement de la justice, le pouvoir exécutif est souvent cité pour s’être immiscé dans les affaires judiciaires pendantes même sans preuves. Et pourtant, les deux pouvoirs sont nettement séparés par la Constitution qui les régit. Malgré tout, certains analystes politiques continuent de penser que c’est insuffisant, car le président de la République a trop de pouvoirs. Il nomme à tous les postes civiles et militaires. Et tous les rapports des corps de contrôle lui sont directement adressés (Armp, Ofnac, Ige, et la Cour de comptes) et c’est à lui seul de décider quel rapport transmettre à la justice. C’est à ce niveau, selon certains, que se trouve le problème du fait que le président de la République en exercice pourrait avoir un comportement différent de celui qui aurait été attendu de lui es qualité selon que la personne épinglée est avec lui ou contre lui politiquement parlant.

Effectivement, dans une pareille situation, le président de la République et chef de parti pourrait naturellement avoir une attitude partisane qui peut être motivée par des raisons politiques du genre massification de parti, recherche de second mandat ou de protection quelconque. Etre chef de parti et chef de l’État pourrait être un facteur de conditionnement qui obligerait systématiquement le président de la République en exercice à être volontairement partial. Or, il me semble que l’on soit chef de l’État et chef de parti ou chef de l’État et non chef de parti, le plus essentiel, en pratique, par rapport au cumul des titres évoqués, ce sont la vertu et le sens de l’équité du président de la République en exercice.

En effet, depuis la Constitution de 2001, il y a trois limites aux effets néfastes (s’il en existe) que pourraient entraîner le fait d’être à la fois chef de l’État et chef de parti politique. Parmi ces limites, on peut citer : la limitation impérative du mandat à deux (une seule fois renouvelable), la durée du mandat à cinq ans aux termes desquels des élections sont organisées et la volonté souveraine du Peuple qui sera issue des élections.

Bref ! Lorsqu’un président de la République quitte son poste de chef de parti politique, en vérité, il n’aurait juste fait que se débarrasser d’un manteau politique de chef de parti, mais il garde intacte toute sa puissance au regard des pouvoirs que lui a conférés la Constitution. Aussi, les liens émotionnels particulièrement de type affectif et d’intérêts convergents que le président de la République aura créés à son titre de chef de parti politique au fil des années avant son ascension à la Magistrature suprême pourraient fatalement demeurer toujours vivaces. Sans oublier qu’il est chef des armées, de la police et de la magistrature. A cet effet, la puissance de son pouvoir es qualité président de la République reste intégral. Sur ce chapitre, ma conviction est qu’on ne peut pas dissocier les statuts de chef de l’État et chef de parti politique de la manière dont fonctionnent les partis politiques.

La dictature et le non-respect des règles démocratiques des partis politiques dans leur fonctionnement sont décriés au sein des partis politiques et en dehors des partis politiques. Il est également observé que le renouvellement à la tête des partis ne se fait pas selon les règles prévues par leurs statuts et leur règlement intérieur. Les conséquences qui en découlent sont que ce sont les mêmes personnes qui restent à la tête des partis politiques et qui finissent par les confisquer comme des biens personnels. En résumé, le débat sur le fait qu’un président de la République soit concomitamment chef de parti doit normalement être dépassé. Et pour cause, le véritable problème qui se pose par rapport à cette problématique se trouve dans la façon les partis politiques se comportent. La question qui mérite d’être posée est : pourquoi le renouvellement des responsables à la tête des partis politiques ne se fait pas ? Pourquoi le candidat à la Présidentielle d’un parti politique au Sénégal reste toujours le chef de son parti ?

Au total, je reste convaincu que c’est aux partis politiques de régler ce problème de double titre de président de la République et de chef de parti en opérant la mutation qui s’impose à eux et qui consiste à séparer le poste de candidat à la Présidentielle du parti d’avec le poste de secrétaire général du parti. Le jour où ils y parviendront à ce stade de maturité, la question relative au fait d’être chef de l’État et chef de parti sera définitivement réglée. Le problème ne se posera plus, car il aura été résolu par le jeu démocratique interne des partis politiques. Dans ce cas, le candidat à la Présidentielle ne peut pas être candidat et chef de son parti. En cédant sa place à un autre, le problème est résolu.

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