Le bilan de la gigantesque coulée de boue qui a dévasté la ville de Mocoa s’est alourdi à 254 morts, dont 43 enfants, après des pluies torrentielles dans la région andine du nord-ouest de l’Amérique du Sud.
« On m’informe que le bilan s’est alourdi à 254 morts », a écrit le président colombien Juan Manuel Santos sur son compte Twitter, après le débordement de trois rivières dans la nuit de vendredi, provoquant « un océan de boue » qui a tout emporté, selon des témoins.
Au moins « 43 sont des enfants. Nos prières les accompagnent. Nos condoléances vont à leurs familles », a ajouté lors d’une allocution le chef de l’État, qui a pris la direction des secours et des travaux de réparation sur place
« J’étais en train de mourir par manque d’air. Qu’ai-je fait ? J’ai mis un doigt dans la bouche et j’ai vomi beaucoup de boue, et encore, pour vomir davantage de boue […] jusqu’à ce que je puisse respirer de nouveau », a raconté Carlos Acosta dans un refuge où il se remet de ses blessures.
Mais sa douleur n’est pas que physique. Ce jeune homme de 25 ans dormait vendredi avec son fils de trois ans, Camilo, à ses côtés. Lorsque l’eau a envahi sa maison, il a eu à peine le temps de s’emparer de son enfant. « L’eau nous a entraînés, des pierres tombaient de toutes parts ». Il a perdu conscience et lorsqu’il est revenu à lui, le petit Camilo avait disparu.
« On a tout perdu »
La catastrophe a aussi fait 203 blessés, « beaucoup dans un état grave », a déclaré le président Santos. L’aqueduc local a été détruit et une année sera nécessaire pour le reconstruire. L’approvisionnement électrique a été en outre gravement endommagé, non seulement à Mocoa mais dans le département de Putumayo, dont la ville est le chef-lieu..
Sous un ciel chargé, la chaleur et l’humidité imprégnaient Mocoa, ville de 40 000 habitants et chef-lieu du Putumayo, où la pluie avait cessé dimanche. De nombreux habitants tentaient de retrouver leurs proches dans les décombres ou de sauver quelques biens de la boue.
« On a tout perdu. Tout, tout, tout. Je suis venu récupérer à peine un sac » d’affaires, a raconté Henry Orado, 45 ans, qui tentait de laver un pull et un maillot de football dans le cours d’eau boueuse coulant devant son ancienne demeure.
Paysage de désolation
Autour, ce n’est que désolation : poupées aux membres arrachés, chaussures dépareillées, énormes racines d’arbres, véhicules écrasés… parmi lesquels des habitants vont et viennent, portant des frigos, des meubles récupérés dans les décombres.
La majorité des quartiers affectés sont pauvres, habités par nombre des 6,9 millions de déplacés du conflit armé qui déchire la Colombie depuis le début des années 1960.
La ville de Mocoa a été dévastée par les coulées de boue. | Reuters
Pataugeant dans la boue, les secouristes apportent sans relâche leur aide aux sinistrés. « Les recherches continuent pour trouver des survivants. Nous sommes encore dans les 72 heures suivant un tel désastre », au cours desquelles il y a encore un espoir de sauver des rescapés, a déclaré à l’AFP un porte-parole de la Croix-Rouge colombienne (CRC).
Le Défenseur du Peuple du Putumayo, Fabian Vargas, a précisé que les sauveteurs passaient au peigne fin le parcours de la coulée de boue, en quête d’éventuelles nouvelles victimes. L’identification des corps, transférés à l’hôpital de Mocoa, s’est poursuivie dimanche.
« Le processus est en cours avec le personnel de médecine légale », a ajouté le responsable de cet organisme de protection des droits humains.
Foyers privés d’électricité
La ville restait privée d’eau courante et d’électricité, les autorités travaillant à rétablir ces services, mais avertissant que cela pourrait demander plusieurs jours. « Cela va prendre du temps. Donc nous sommes en train d’apporter des camions-citernes, de réparer les ponts détruits et d’accélérer la reconstruction des infrastructures, pour l’eau, l’énergie, le logement », a déclaré Juan Manuel Santos aux journalistes.
« Ce fut terrible […] Rester ici sans lumière, sans pouvoir cuisiner, sans rien, c’est très difficile », soupire Julio Pardo, 32 ans.
Selon le maire de Mocoa, José Antonio Castro, la menace pèse toujours sur cette ville fondée en 1563. « Environ dix rivières coulent à proximité de la localité et cela signifie qu’une ville ne devrait pas se trouver à cet endroit », a-t-il déclaré au quotidien El Espectador.
Sous une petite bruine, la population vit dans la hantise d’une autre coulée, même si les autorités assurent qu’il n’y a pas de risques imminents. « Un survol de la zone affectée, pour identifier d’éventuels endiguements de rivières » présentant des dangers a confirmé « qu’il n’existe pas de nouvelle menace d’avalanche pour la ville », indiquent les autorités dans un communiqué.
Les Farc proposent leur aide
Rétablir l’électricité est une tâche difficile, a admis le vice-ministre de l’Intérieur, Guillermo Rivera.« Il faudrait construire une nouvelle station et cela va prendre du temps », a-t-il déclaré à Caracol Radio, précisant qu’une unité mobile allait entre-temps être envoyée depuis Bogota.
La guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes), qui a signé un accord de paix avec le gouvernement, a offert dimanche son aide pour participer à la reconstruction de Mocoa
« En parlant avec les guérilleros, (ils m’ont dit) qu’ils voudraient aller là-bas pour travailler, pour aider à la reconstruction. Je pense que c’est possible que […] les Farc fassent cette proposition. Ils sont vraiment très attristés par cette tragédie », a déclaré Ivan Marquez, principal négociateur des rebelles.
« Je suis profondément peiné par la tragédie qui a frappé la Colombie », a déclaré le pape François lors d’une messe à Carpi (nord de l’Italie). Le chef de l’État a remercié le pape sur Twitter et a exprimé sa gratitude pour les nombreuses manifestations de solidarité venues du monde entier.
Cette catastrophe est la plus grave survenue en Colombie depuis un autre glissement de terrain qui avait fait 92 morts en mai 2015 à Salgar, à une centaine de kilomètres de Medellin (nord-ouest). Les violentes pluies n’ont pas seulement affecté la Colombie, mais aussi le Pérou, faisant 101 morts et plus d’un million de sinistrés, ainsi que l’Équateur avec 21 morts et plus de 9 000 familles affectées.
source;ouest-france