Les députés de l’opposition ne sont pas emballés par les arguments de l’Etat pour justifier la modification de certaines dispositions du code général des impôts.
Ils y voient une volonté du président de la République, Macky Sall, de prendre en otage les grandes villes du pays qui lui sont défavorables en leur retirant la patente. En effet, cette modification entraîne la mise en place de la contribution économique locale qui supprime la patente.
La modification du code général des impôts opérée, hier, par l’Assemblée nationale est taillée sur mesure par le président Macky Sall. C’est la forte conviction des députés de l’opposition qui y voient une volonté de ce dernier de prendre en otage les grandes villes qui ne sont pas favorables à son régime. Selon le député Mamadou Lamine Diallo, il n’y a aucune rationalité économique, encore moins une cohérence, dans cette réforme du code général des impôts. «La seule chose qui préoccupe Macky Sall, c’est : –Les grandes villes sont contre moi, je vais leur prendre la patente. Et, moi en ce moment, je prends les recettes et je donne à qui je veux -. Nos enfants continueront à chômer», a dénoncé l’opposant. Qui soutient que le gouvernement ne fait que cumuler des arriérés de dette intérieure. Car, relève-t-il, dans les pays en développement comme le Sénégal, la performance économique se juge par deux critères, à savoir les arriérés intérieures et le chômage massif des jeunes. «Dans notre pays, la politique monétaire est restrictive. Donc, vous ne pouvez pas avoir de fort niveau d’inflation. Cette affaire de fiscalité, c’est ce que j’appelle du bricolage fiscal», a-t-il souligné.
Prenant la parole, le député Ousmane Sonko explique que la contribution économique locale veut toucher deux objectifs contradictoires. «On va se retrouver avec l’exclusivité de ces ressources entre les mains de l’Etat, c’est-à-dire l’Exécutif qui va les attribuer et les allouer selon ses désirâtes et prendre en otage des villes. Nous l’avions copié de la France qui est passé de la taxe professionnelle à la contribution économique territoriale. Nous, nous sommes passés de la patente à la contribution économique locale. Mais, pour son application, la France a mis trois années de fonds de compensation pour corriger les pertes de recettes fiscales. Parce qu’il va y avoir des pertes de recettes fiscales globalement ou individuellement», a-t-il relevé. Cependant, signale M. Sonko, cette réforme qui a été adoptée stipule clairement que la patente appartient à toutes les collectivités individuellement, c’est-à-dire, avance-t-il, que Rufisque qui est seule à supporter la pollution de Sococim, va voir sa patente ne plus lui appartenir. Elle va devoir la partager avec toutes les autres collectivités locales.
Risque d’iniquité dans la répartition…
D’après cet Inspecteur des impôts radié de la Fonction publique par Macky Sall, l’article 706, qui stipule que les impôts déjà collectés ne sont plus concernés, n’a pas sa place dans le code général des impôts. A l’en croire, parmi les dossiers qui ont fait l’objet d’annulation, il y avait beaucoup d’impôts, de Taxes sur la valeur ajoutée (Tva), collectées et non reversées, et des retenues à la source sur les salaires non reversés. Ce qui, à ses yeux, est un crime si l’on se réfère au code général des impôts. «Il y a deux ans, l’Assemblée nationale comme à son habitude a voté mécaniquement un article que vous lui avez soumis pour vous donner une prérogative qui incombe exclusivement au Législateur, c’est-à-dire la fiscalité. Son assiette, son recouvrement, tout, relève de la loi. Et, cela vous a donné l’autorisation d’annuler des impôts. Je crois que les dégâts ont été extraordinaires, n’eut été la levée de bouclier du syndicat des impôts. En moins de six mois, le pays a enregistré près de 54 milliards de francs Cfa d’annulation d’impôts», peste-t-il.