Pour les étudiants étrangers, l’attractivité de la France n’est pas acquise

Alors qu’une note de Matignon alerte sur « un risque de décrochage » de l’attractivité de la France pour les étudiants étrangers, Paris cherche à attirer davantage d’étudiants venant d’Asie et du continent africain.

À première vue, le palmarès est plutôt satisfaisant : la France est le quatrième pays privilégié par les étudiants internationaux dans leurs choix d’une université étrangère, un rang de premier pays non-anglophone, selon une étude publiée lundi 12 novembre par Campus France, l’agencede promotion de l’enseignement français à l’étranger.

Mais cette attractivité de la France n’est pas acquise : selon une note de Matignon obtenue par l’AFP lundi, il existe en effet « un risque de décrochage » de l’engouement des étudiants étrangers pour les universités et les grandes écoles françaises. La France a ainsi vu le nombre d’étudiants étrangers qu’elle accueille baisser de 8,1% entre 2010 et 2015. Si avec 343 386 étudiants étrangers inscrits, la rentrée universitaire 2017-2018 s’est soldée par une augmentation de 5,9 % par rapport à l’année universitaire précédente, le gouvernement Philippe veut contrer un début de désaffection des étudiants étrangers dans les universités et grandes écoles françaises. Des annonces sur le sujet sont prévues dans le cadre des rencontres universitaires de la Francophonie à Paris, ce 19 novembre.

« Notre attractivité est en hausse modérée, mais inférieure à celle de nos principaux concurrents (Allemagne, Canada, Australie, Pays-Bas, etc. et de celle des pays émergents) et notre place est convoitée », résume Béatrice Khaiat, directrice générale de Campus France auprès de France 24.

En jeu, une plus-value financière car si l’accueil des étudiants étrangers coûte chaque année 3 milliards d’euros à la France, il lui en rapporte 4,65 milliards, selon Campus France. Mais aussi, la nécessité d’accroître le soft-power et le rayonnement de la France : « Le but est d’attirer et de former les meilleurs étudiants qui deviendront, une fois revenus dans leur pays d’origine, les meilleurs ambassadeurs (politiques, culturels, économiques) de leur ancien pays d’études », fait ainsi valoir Béatrice Khaiat.

La France, destination habituelle des étudiants africains

Selon les données de cadrage publiées par le ministère de l’Intérieur, fin octobre 2018, les pays les plus représentés parmi ces étudiants étrangers sont le Maroc (avec 39 855 étudiants), l’Algérie (30 521 étudiants), la Chine (30 071 étudiants), l’Italie (13 341 étudiants), la Tunisie (12 842 étudiants) et le Sénégal (10 974 étudiants).

Sans surprise, le continent africain constitue, pour la France, un vivier important d’étudiants internationaux. « Il y a entre la France et le continent africain une histoire partagée, une proximité culturelle et politique et l’appartenance à l’espace francophone pour une partie du continent », souligneBéatrice Khaiat. À la rentrée 2017, les étudiants africains représentaient à eux seuls 43,2 % des étudiants accueillis. Parmi eux, la moitié était originaire du Maghreb.

Mais si elle reste bien ancrée, la tradition de faire ses études en France lorsqu’on est un étudiant africain ne va plus forcément de soi. Les étudiants d’Afrique subsaharienne, par exemple, sont de plus en plus nombreux à choisir des pays mettant en avant une affiliation religieuse comme l’Arabie saoudite, la Turquie, les Émirats arabes unis ou la Malaisie. Par ailleurs, si l’Europe reste la priorité des étudiants africains, elle perd du terrain au profit de la Chine mais aussi de la mobilité Afrique-Afrique notamment vers l’Afrique du Sud, le Ghana, la Tunisie ou le Maroc.

La France est bien consciente de l’émergence de ces nouvelles concurrences. Emmanuel Macron l’avait relevé devant desétudiantsdel’université deOuagadougou le 28 novembre 2017 : « Je veux que la France soit la première destination, non pas par habitude, mais par choix, par désir », avait dit le président français.

Depuis quelques années, de nouveaux modèles se développent avec la création d’antenne des établissements d’enseignement supérieur français directement sur le continent africain comme Dauphine Tunisie (2009) ou l’École centrale au Maroc (2013).

Dans cette lignée, le plan du gouvernement est de « multiplier les campus franco-étrangers » offrant des diplômes français à l’image du Campus franco-sénégalais et de l’Université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée (UFTAM), deux établissements en cours de création. Des partenariats qui visent à répondre à l’énorme besoin de formation de la jeunesse africaine (appelée à progresser de 24% d’ici à 2025 en Afrique subsaharienne), selon Campus France : « L’intérêt des campus franco-étrangers, c’est de permettre à des étudiants africains de se former sur le continent, dans des établissements de grande qualité, fruits de la coopération de deux systèmes éducatifs, avec des formations en français et adaptées aux besoins locaux ».

Concurrence internationale pour attirer les étudiants asiatiques

Mais la France souhaite aussi diversifier les origines de ses étudiants internationaux en se tournant notamment vers l’Asie. À l’instar des étudiants africains, les étudiants asiatiques se dirigent plutôt vers des disciplines scientifiques et économiques alors que les étudiants européens ou américains privilégient des disciplines littéraires.

Mais sur ce continent aussi, la concurrence est là. Ainsi, selon l’étude de Campus France publiée lundi, l’Allemagne, la Russie, la Chine, le Canada et l’Arabie saoudite « développent des stratégies d’attractivité offensives pour attirer davantage d’étudiants en particulier ceux venant d’Asie ». Alors que dans le monde, près d’un étudiant sur deux en mobilité est asiatique, 53 % d’entre eux choisissent un pays anglophone.

Pour rester compétitive, la France a autorisé il y a quelques années les cours en anglais à l’université. Elle devrait poursuivre le mouvement en facilitant également la délivrance de visas étudiants, avec des procédures numérisées et simplifiées.

Mais l’Hexagone dispose encore d’une forte marge de progression : au classement dit de Shanghai qui distingue 500 établissements d’enseignement supérieur dans le monde, aucune université française ne figure dans le top 30. « Nous avons des formations de très grandes qualité et reconnues à l’international et qui proposent des programmes en anglais, indispensables pour attirer les meilleurs étudiants asiatiques (grandes écoles de commerce et d’ingénieur, Sciences Po et de plus en plus d’universités comme Paris Saclay, Cergy….) mais, face à ces étudiants habitués aux classements et au modèle anglo-saxon, nous devons mieux communiquer sur nos formations et de nos forces », reconnait la directrice générale de Campus France.

France 24

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