«On peut aimer Bolsonaro ou le détester, mais il ne se cache pas»

Pour la première fois depuis la nouvelle Constitution brésilienne de 1988 un candidat d’extrême droite, nostalgique de la dictature et favorable à la torture, pourrait devenir président dimanche 28 octobre. Sauf surprise, Jair Bolsonaro, un ancien militaire, connu pour ses dérapages verbaux contre les femmes et les homosexuelles devrait s’imposer face à son rival de gauche, l’ex-maire de São Paulo, Fernando Haddad. Qui est Jair Bolsonaro et faut-il avoir peur de lui ? L’avocate Janaina Pascoal, l’une des étoiles montantes du parti de Jair Bolsonaro, le PSL, répond aux questions de RFI. Elue récemment députée au Parlement de l’Etat de São Paulo, elle a refusé l’offre de devenir la colistière du candidat d’extrême-droite.

RFI : La dernière fois que nous nous sommes vus, l’ancienne présidente Dilma Rousseff était en train d’être destituée, une destitution dont vous étiez à l’origine. Aujourd’hui, deux ans après, un candidat qui fait l’éloge de la dictature est aux portes du pouvoir au Brésil. Et c’est ce candidat Jair Bolsonaro que vous avez décidé de soutenir. Pourquoi ?

Alors, première chose : je ne partage pas les idées du candidat sur la dictature. J’ai toujours critiqué la dictature. C’est pour cela que ne partage pas non plus la position du Parti des travailleurs qui soutient la dictature du président Maduro au Venezuela. Pour nous, il était important d’identifier un candidat qui pouvait affronter la force politique que représente le Parti des travailleurs et qui n’était pas impliqué dans les scandales de corruption. Malheureusement, nous n’avions pas beaucoup de choix. Le candidat Jair Bolsonaro, au-delà de ses, disons, « excès verbaux », est conscient du fait que nous avons un problème avec la criminalité. Que ce soit la criminalité à grande échelle ou la criminalité politique.

Donc votre choix en faveur de Jair Bolsonaro est avant tout motivé par un rejet du PT ?

Oui c’est vrai. Et il ne faut pas oublier que le PT encore aujourd’hui bénéficie d’un soutien important parmi les Brésiliens. Moi j’ai cherché une personne qui pouvait également compter sur le soutien d’un certain nombre de personnes, et j’ai trouvé cette personne en Jair Bolsonaro. Ce qui ne veut pas dire que je souscris à tout ce qu’il dit.

Rappelons un de ses dérapages verbaux : il avait dit à une députée qu’elle était trop « laide » pour être violée. Cela vous choque en tant que femme ?

Alors il faut savoir pourquoi il l’a dit. En fait il a pris la défense d’une jeune femme qui a été brutalement assassinée. Et la députée en question défendait celui qui avait violé la jeune femme avant de la tuer. Il s’en suivait un échange tendu au cours duquel il a exprimé ces propos stupides.

Beaucoup de personnes au Brésil mais aussi à l’étranger ont peur d’un Jair Bolsonaro président. Elles craignent le retour d’un régime autoritaire, voire militaire. Vous connaissez le candidat du PSL, est-ce que c’est un démocrate ?

Vous savez, je ne le connais pas si bien que cela. Je l’ai connu seulement récemment. Nous étions en contact intense pendant 20 jours parce qu’il m’avait proposé d’être sa colistière. C’était un contact très positif, il a été très respectueux à mon égard. Il a même changé son avis sur certains sujets après en avoir discuté avec moi. Je pense que le Brésil possède des institutions fortes. Le Congrès, la Cour suprême, le parquet, la société civile. Donc je ne pense pas qu’un Bolsonaro – avec tous ses propos exagérés – puisse représenter un risque pour la démocratie. A titre de comparaison : les institutions ont beaucoup tardé à réagir par rapport aux affaires de corruption du PT. A tel point d’ailleurs que moi, en tant que simple citoyenne, je devais agir et demander la destitution de Dilma Rousseff. L’opposition n’avait pas bougé et le parquet non plus. Et il s’agissait de sommes importantes, des millions qui ont été dérobés. Donc si vous mettez tout cela sur la balance, je dirais que la démocratie est mise en danger plutôt par le PT.

Jair Bolsonaro vous a proposé d’être sa colistière. Pourquoi avez-vous refusé cette offre ?

D’abord pour des raisons personnelles. Ma situation familiale ne permet pas que je m’installe définitivement à Brasilia. Et puis l’équipe de Jair Bolsonaro voulait que j’assume la responsabilité d’un ministère. Ce que j’ai refusé parce que je crois qu’un vice-président doit être indépendant du cabinet, en tout cas, ne pas être lié à un ministère. Et puis Jair Bolsonaro, à l’époque, craignait déjà un attentat contre lui. Autre chose : je voulais garder une certaine indépendance qui me permet, le cas échéant, de critiquer le président. Et je pense qu’en tant que députée de l’Etat de São Paulo, je peux faire plus pour mon pays.

Est-ce que Jair Bolsonaro doit son succès politique aux réseaux sociaux qu’il maîtrise à la perfection ?

Non je ne le crois pas. Je crois que le seul candidat qui a exprimé ce que les gens voulaient entendre, c’était lui. Il a compris que les gens ne voulaient pas seulement avoir accès à des centres de soins. Mais ils voulaient aussi arriver au centre de soin sains et saufs sans se prendre une balle perdue sur le chemin.

Le Brésil paraît plus divisé que jamais avec deux sentiments négatifs dominent la campagne: la haine du PT et la peur de Bolsonaro. Comment sera-t-il possible de gouverner un pays coupé en deux ?

Bon, d’abord je pense qu’il doit modérer ses propos. Mais sans changer le contenu de ses positions. Parce qu’il doit quand même réaliser ses promesses.

Avec quel sentiment vous abordez ce scrutin ? Selon un sondage, la plupart des Brésiliens sentent de la colère quand ils pensent aux élections et à la politique. Et vous ?

Moi, je n’ai pas fait campagne dans les réseaux sociaux, je suis sortie dans la rue, j’ai distribué des tracts. Et j’ai vu que les gens, peut-être pour la première fois dans leur vie, ont vraiment « adopté » un candidat. Si vous regardez les dépenses électorales, vous verrez que Jair Bolsonaro a été le candidat qui a dépensé le moins d’argent. Ce sont les sympathisants eux-même qui ont payé pour s’acheter ou fabriquer un tee-shirt de campagne. Les gens m’ont donné des cadeaux pour lui, des ours en peluches ou des cartes écrites par des enfants.

C’est une élection beaucoup plus démocratique que celle des années précédentes. Avant il y avait beaucoup d’argent en jeu, les candidats ont dépensé des millions pour la propagande politique. On ne savait jamais ce qu’un candidat pensait réellement, ce n’était que de la propagande. Et aujourd’hui vous avez Bolsonaro. On peut l’aimer ou le détester mais il ne se cache pas. Et je crois que les Brésiliens étaient en manque de cette authenticité. C’est un candidat que les gens aiment beaucoup ! Et cela me rend heureuse, en tant que démocrate. Mais en tant que juriste je connais aussi très bien le fonctionnement des institutions politiques et je sais qu’il faut toujours être sur ses gardes. Comment je me sens aujourd’hui, à la veille du scrutin ? Je suis heureuse mais je reste vigilante !

commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Translate »
RSS
Follow by Email
YouTube
Telegram
WhatsApp