Exposition «Off» de la Biennale : Maïmouna Diop exalte l’authenticité de la femme africaine
30 mai 2016Dans le cadre de la programmation «Off» de la Biennale de Dakar, l’artiste-peintre sortie de l’école des Beaux Arts, Maïmouna Diop, expose, à l’espace Alf LeyMoon’s du 24 au 31 mai. «Esthétique de la femme sahélienne» est une exposition, qui, grâce à une symbiose des couleurs, met en exergue la vie des femmes du sahel, perdues entre le culte du beau et les train-train du quotidien.
Elle est à sa première participation dans les programmations «Off» de la Biennale de même qu’a sa première exposition à Dakar, après 20 ans de carrière. Maïmouna Diop, qui a fait le tour du monde grâce à ses œuvres, est de retour au bercail pour dévoiler ses 42 fresques, qui, toutes, décortiquent l’esthétique de la femme sahélienne. Cette femme douce et forte, intelligente et belle, sensuelle et raffinée, dynamique à la mouvance du monde d’aujourd’hui et particulièrement d’hier, orne les cimaises de Djamara Art Gallery.
Beauté et raffinement
La femme, avant la modernité, était partagée entre les profondeurs du culte du beau et l’accomplissement des travaux domestiques. Deux mondes aux antipodes, que Maïmouna réunit gracieusement dans la peinture à l’huile sur toile. Elle conjugue dans ses toiles couleurs, formes, travail, élégance et amour qu’incarne la femme. Dans les lieux de l’exposition, la symbiose des couleurs froides et chaudes témoignent de la maîtrise qu’a l’artiste sur son thème. C’est un «don» qui lui a permis d’extérioriser son «admiration» pour la femme sahélienne. Maïmouna a tout simplement la sensibilité colorée.
Un regard sur les différents tableaux nous informe sur le vacarme qui animent le quotidien des femmes sahéliennes, mais aussi sur ce culte voué à l’élégance. D’ailleurs, l’esthétique de la femme du sahel est un thème de «prédilection», car l’artiste avait fait son mémoire d’étude sur les peuples du Niger. Une nation au sein de laquelle l’artiste considère les dames comme des «femmes courageuses». Sur les toiles, cette femme, qui hante Maïmouna est svelte, sensuelle et gracieuse. Elle a un physique fébrile mis en valeur à travers un style d’habillement à la fois ancien, laissant paraître son buste, et parfois même, le chocolaté marron de ses cuisses.
Une balade dans la morphologie élégante s’étouffe sous ses tableaux. Pour l’artiste, ce côté «sexy» ramène les adeptes de l’art à l’état brut de la femme, avant l’intronisation de l’islam. Parce que dira-telle «chez les peuples Masaï, le buste faisait partie de l’habillement. Elles mettaient juste un pagne autour des reins, le reste n’était que beauté».
Amour du travail, résistance à l’effort
Au-delà de cette physique fiévreuse et ces formes généreuses, à travers les différentes toiles de Maïmouna, il y est reflété la force, la fierté et le courage des femmes sahéliennes. On le perçoit et l’aperçoit dans l’élégance de leur mouvement. Il suffira d’un regard pour constater la résistance à l’effort et la capacité productive et nourricière de ces femmes. Sur les cimaises de la galerie Djambara, on décèle que derrière ce raffinement mis en exergue par la couleur lumière qu’est le jaune, les silhouettes sensuelles et attirantes, se cache la force d’une femme infatigable au travail. Presque sur la totalité des fresques, la femme est peinte en étant l’œuvre. Tantôt elle fait le linge ou prépare le repas, tantôt elle pile le mil ou fait le ménage, ou bien, elle a une calebasse remplie de légumes ou d’eau, sur la tête.
Maïmouna n’a pas omis dans son voyage de visiter le quotidien de la femme, mère du monde, qui enveloppe jalousement dans ses bras, son enfant qu’elle allaite avec finesse, ou même qu’elle coiffe soigneusement. Ce sont là, des images décimées dans un fond abstrait qui reflète l’environnement dur dans lequel elles évoluaient. «Ces femmes portent un courage énorme. C’est ma séduction», a avoué l’artiste peintre. Qui ajoute «c’est un peuple qui cultive le beau et exploite les profondeurs de l’Afrique et le symbole de leur environnement». Pour Maïmouna, la valeur de ces femmes est inestimable, mais un peu méconnue.
Parcours
Diplômée de l’école des Beaux-Arts depuis 1996, la sénégalaise, n’a jusqu’à ce jour travaillé qu’en Autriche, en Allemagne et en France, pendant plus de 14 ans. Elle est de retour, il y a 6 ans pour reprendre ses racines. L’histoire de Maïmouna se tient en quelques lignes. Maïmouna n’a pas pu percer à l’école à cause d’un problème de «surmenage intellectuel». Alors son père, n’a pas voulu rendre les armes et a décidé de l’inscrire dans une école de couture, où ses mains pourront réaliser des «prouesses». Une facette d’elle qui lui a permis de «s’amuser» avec ses mains et caresser sa future profession.
Elle décida plus tard d’abandonner la couture, pour se former à l’art. Un rêve qui n’enchantait pas son père. Mais ceci ne l’a pas empêchée, de suivre sa voie en cachette. «J’ai poursuivi mon rêve en cachette et jusqu’au jour où mon père l’a découvert, il n’a pas compris cet amour que j’avais pour la peinture. J’ai eu mal car il m’a dit que l’art n’est pas sérieux», se rappelle-t-elle amèrement. Toutefois, après ces premiers essais, son père avait compris et a finalement accepté que la peinture fût sérieuse pour elle et l’a encouragée à percer. Ironie du sort, «il est décédé il y a 4 ans, il n’a pas pu assister à ma première exposition à Dakar». Heureusement, «je suis tombée sur un Sénégalais, résidant dans les Iles Caraïbes, Adama Diallo, qui a cru à mes talents de peintre», se réjouit-elle.
Source:lequotidien