L’auteur du morceau culte «Kolere» et du tube « Maana » croit dur comme fer que le meilleur reste à venir dans sa carrière d’artiste. «Je vais signer mon grand retour», annonce-t-il le regard pointé sur le grand bleu. Nous l’avons rencontré il y a une semaine à la place Bceao où, il était venu faire son jogging hebdomadaire. Fallou Dieng fait l’objet de nombreuses rumeurs après qu’il ait plus ou moins disparu de la circulation, mais beaucoup plus de la scène musicale. Ce n’était pas un «au revoir». Dans cet entretien à bâtons rompus, le «Chef d’état-major général des ambianceurs» ne mâche pas ces mots. Sans langue de bois, il parle de sa carrière, de sa vie sentimentale, du Lemzo Diamono… et donne même son avis sur la chose politique.
Vous venez de sortir un nouveau clip intitulé Benno, pouvez-vous nous en parlez un peu plus ?
Pour éclaircir la lanterne des Sénégalais, cela n’est pas un nouveau clip, ça date de 1997. C’était un morceau que j’avais bien avant l’alternance. Comme l’émission que je devais faire s’appeler Rewin, le concept de l’émission est de se remémorer une chanson que tu as une fois faite mais qui n’a pas de vidéo et c’est pour cela que j’ai choisi ce morceau comme thème. Parce que, en général toutes mes chansons sont basées sur des thèmes. J’ai donc choisi ce morceau, mais à la fin de l’émission ils t’offrent un clip. Ce morceau a tellement plu aux gens que tous pensent que c’est nouveau.
Il n’y aurait pas un côté politique avec Benno bokk yaakar ?
Non cela n’a rien de politique. Quand je chantais Benno, Benno bokk Yaakar n’existait pas encore. J’avais une vision très loin car je chantais Jiboo (réconciliation), et Benno.
On ne vous voit plus depuis quelques temps sur la scène musicale sénégalaise?
J’avais fait une pause parce que c’est vrai que depuis Maana, beaucoup de choses se sont passées. Parce qu’avant Maana j’avais créé un groupe qui s’appelle Fallou Folk qui n’a rien à voir avec Fallou et le Dlc et il y a eu des rumeurs qui circulaient à ce sujet. Malheureusement, les gens les croyaient. Les gens disaient que Fallou Dieng a laissé le mbalax et que maintenant il fait de la musique spirituelle… En réalité, je travaillais avec feu Madou Diabaté, on s’est rencontré ici même à la plage (Ndlr, l’entretien a eu lieu à la plage Bceao), ensuite on a eu une longue discussion et c’est de là qu’on a créé Fallou et le Folk. A chaque fois que je sortais un album, je créais un ou deux morceaux acoustiques qui me permettaient de savoir qu’à l’avenir c’est là que je serais avec ma musique. Cela me permet d’avoir une maturité dans la musique. C’est pour cette raison d’ailleurs qu’on avait créé Fallou Dieng et le Folk. Alors j’ai commencé à jouer dans des milieux restreints comme Just 4U, Mirador ainsi de suite. Après, on a eu l’occasion d’enregistrer même un album de 10 titres qui n’est toujours pas sorti. Donc cette rumeur m’a un peu atteint. Mais par la suite j’ai eu un accident.
Certains disaient que vous étiez malade ?
Non ! J’avais fait un accident et ma jambe me faisait terriblement mal. Cela me faisait si mal que je suis resté 8 mois sans faire d’activité. En ce moment, j’avais déjà enregistré Momé vent. Si les gens restent longtemps sans avoir de nouvelles, ils pensent que tu ne fais rien, alors que tu es en train de travailler. Durant cette période, je travaillais sur un album. Mais Madou Diabaté est décédé et entre temps et j’ai arrêté les travaux. Tout le monde me réclamait du mbalax et j’ai par la suite j’ai fait un album de 7 titres intitulé Momé vent.
On vous connaissait un style de musique. Mais en créant Fallou Folk, quelque chose a changé…?
Cela est faisable parce que tous les grands de la musique que j’ai trouvés le font. Il y a l’exemple de Youssou Ndour qui, à chaque fois peut faire de l’acoustique jusqu’à ce que bon lui semble il se remet dans le mbalax etc. Moi je pense que les gens doivent comprendre qu’on grandit avec sa musique. Je voulais tenter une autre expérience et jusqu’à présent je le fais bien. Car quand je joue quelque part, je joue des morceaux acoustiques avant d’entamer avec le mbalax. Donc ce sont deux parties qui peuvent intéresser les gens. Ceux qui sont de la même génération que moi ne viennent plus dans les boites pour danser. Donc il faut que je prépare quelque chose pour mon public. Il ne faut pas aussi que mon public ait honte d’aller dans les boites pour y rencontrer leurs enfants ou neveux. C’est pourquoi j’avais créé Fallou et le Folk pour qu’ils viennent occasionnellement me retrouver là-bas. Comme ça, ils ne vont croiser aucun enfant. Mais cela n’a rien à voir avec Fallou Dieng et le Dlc parce que moi, tout ce que j’ai eu, je le dois à la musique mbalax.
L’on constate tout de même que ce choix vous a éclipsé ?
C’étaient des rumeurs. J’avais pris du recul aussi parce que, quelqu’un qui a fait 26 ans de carrière, ce n’est pas 2 jours. Si une année vient et qu’on prenne une pause, il faut comprendre que c’est la volonté divine. La vie est comme ça. Il y a des hauts et des bas. Il faut pouvoir les supporter et avoir une certaine croyance en Dieu et puis croire en soi. Il faut savoir également que c’est Dieu qui donne et reprend. J’ai pris du recul parce qu’aussi, ce qui existait et qui fait qu’on se donnait à fond n’existe plus. C’est le marché où on vendait les albums. Le fait de jouer une soirée et que les gens achètent des billets et rentrent aussi n’existe plus. Donc pourquoi se fatiguer ? Mieux vaut que je prenne du recul parce que maintenant on sort un album et on l’offre aux gens. On organise une soirée et on supplie les gens pour qu’ils viennent. C’est ce que j’ai constaté. Et ce sont des choses qu’on doit revoir dans le paysage musical sénégalais. Aujourd’hui, on doit avoir un marché assuré, nous devons aussi avoir des gens qui nous sécurisent. Ceux qui doivent remplacer le Bsda (Ndlr, il fait allusion à la Sodav) et porter le combat des artistes n’ont toujours pas démarré leurs activités. On les attend patiemment. Le gouvernement doit nous aider de sorte que quand on sort un album on aura quelque chose dans les poches, avoir un espoir que l’album va être vendu.
Vous êtes actuellement sur quel projet musical?
Je suis sur plusieurs projets. Récemment vous m’avez vu à la télévision et j’ai fait Fallou in the house avec le groupe. C’est à la demande générale, les gens me demandent des rétros. C’est vrai que les rétros, la nouvelle génération ne les connait pas et aujourd’hui elle les réclame. Donc je vais les remettre sur le marché avec quelque chose de nouveau. Si je peux bien sûr !
Avec Manna vous avez fait un grand buzz. Mais depuis, il n’y a plus de morceau de Fallou Dieng qui ait cartonné. Qu’est ce qui l’explique ?
Si ! Il y a eu Momé vent. Mais le problème en est que Momé vent est un tube, le moment où il est sorti a coïncidé avec ma maladie. Et je n’avais pas eu le temps de promouvoir l’album.
Pourtant beaucoup de gens disent que Manna est meilleur à Momé vent ?
J’ai sorti des chansons plus agréables que Manna mais le fait est qu’il a du succès et ça c’est Dieu qui le fait. J’ai fait des morceaux plus rythmés, mais ce sont les cadences qui diffèrent. Et la cadence, c’est la musique classique moderne qu’on a incarnée là-bas… C’est ce qui fait la réussite de Manna. Chaque Sénégalais s’y retrouve. Il faut savoir aussi qu’il y a des thèmes qui touchent tout le monde.
Bisseum-Bi, Biri-Biri ou encore Weex bet. Ça vous rappelle quoi ?
Beaucoup de chose. L’album Biri-biri je pense que c’est l’album qui m’a carrément propulsé sur le devant de la scène et sur le plan international surtout. C’est un album que j’ai fait en 1996. En ce moment, j’ai quitté le Lemzo diamono pour créer Dlc. Deux ans après, on ne voulait plus me retenir au «Thiossane» et c’est là que je suis parti chanter Biri biri. Donc cela a été aussi un autre succès plus fort. Cet album m’a amené très loin et il contient beaucoup de mes tubes.
A vous entendre sur cette belle période et celle d’aujourd’hui, on voit que vous êtes nostalgique ?
Très nostalgique même ! Parce qu’en cette période le pays était meilleur à vivre. Il y avait 10 groupes qui jouaient en même temps et ils remplissaient tous leur salle. Cela n’existe plus maintenant. On a l’impression qu’aujourd’hui, il existe 2 ou 3 groupes. Ceci n’est pas bon pour l’ambiance d’un pays. Ces morceaux et albums que vous citez ont fait que j’ai marqué beaucoup de génération, celle antérieure, celle qui me précède. Je fais partie de ceux qui les avait marquées, si vous regardez dans les universités ou dans les bureaux ceux qui sont cadres aujourd’hui, ce sont eux qui dansaient Biri biri et weex bet. Aujourd’hui, je croise des nostalgiques qui me réclament ces morceaux là…Vous avez remporté plusieurs distinctions dont les Kora Awards avec l’album Xarnu-Bi.
Serait-il juste de dire qu’il ne vous reste plus rien à prouver ?
J’ai été nominé deux fois avec Coumba Gawlo et feu Demba Dia. En 2008, j’avais été nominé au Bénin au Kora awards. J’ai eu pas mal de prix. J’ai remporté le Djémbé d’Or, le Tamani d’Or et d’autres trophées. Donc je pense que je n’ai plus rien à prouver dans le Mbalakh. J’étais nominé meilleur artiste en 2009 avec l’album Mana. J’ai fait des tournées internationales dans le monde pour faire connaitre la musique sénégalaise. Et je rends Grace à Dieu. Tout ce que j’ai réussi à construire aujourd’hui n’est qu’une phase aller, il me reste la phase retour.
Qu’entendez-vous par phase retour ?
C’est pour vous dire que je vais signer mon grand retour. Le public me réclame.
A quand donc le prochain album de Fallou Dieng ?
Je ne peux pas avancer la date ni donner le titre de l’album. Mais je vais faire un double maxi, composé au minimum de 4 morceaux.
Dans votre répertoire, quelle chanson vous rend le plus fier ?
Je dirais le son Koleré. C’est un tube qui a marqué les esprits car c’est un thème moral qui rend nostalgique beaucoup de gens y compris moi-même. J’y chante des moments de souffrance, de difficultés, de stress, d’émotions que j’ai vécus. Quand je composais ce morceau j’étais partagé entre deux sentiments, réussir ou échouer dans la musique.
Si vous devez à l’heure actuelle vous souhaiter quelque chose d’important, ce serait quoi?
Je ne me souhaite que de bonnes choses. Aussi, j’aimerais partager mon expérience avec les jeunes artistes parce que si on n’essaye d’écarter la pépinière, je me demande ce que deviendra l’avenir de la musique sénégalaise. Il faut qu’on aide les jeunes. Et si j’ai l’opportunité d’ouvrir un studio pour soutenir les jeunes, je vais le faire. Je participerai aussi à orienter ceux qui sont en ascension et les aider dans leur carrière.
On dit que Fallou Dieng n’a pas de chance dans ses relations amoureuses, et si on vous demandait de composer une chanson pour ces femmes, ça donnerait quoi?
(Rire). J’ai composé pas mal de morceau sur l’amour. Pour ce qui est de ma relation avec les femmes, ce qu’il faut savoir, c’est qu’on peut avoir la chance de tomber sur une bonne femme comme on peut rencontrer le contraire. Pour mon premier mariage, je reconnais que ce n’était pas facile, je n’ai pas eu la chance d’avoir la perle rare. Mais aujourd’hui je dis Alhamadoulilahi !!! Car j’ai rencontré la femme de mes rêves. C’est une femme noble, gentille qui m’a beaucoup soutenu.
Vu le déclin du Mbalax, est-ce qu’il vous arrive de rêver de reconstruire le «Lemzo Diamono» qui a fait la fierté du Sénégal dans les années 90 ?
J’y pense souvent et cela peut revenir comme l’esprit Baobab. Très souvent, Moussa Traoré, ancien batteur de Lemzo Diamono, me demande de réunir le groupe pour faire des soirées mensuelles. Et je suis d’avis avec lui, car c’est ce groupe qui a révolutionné la musique sénégalaise. Et ceux qui ont participé au démantèlement de Lemzo Diamono, font aujourd’hui la musique de Lémzo Diamono. On est tous devenus des ténors dans la musique, mais je pense qu’il serait bien de se réunir de temps en temps pour faire des évènements Lemzo parce qu’il y a beaucoup de gens qui écoutent le mbalax grâce à Lemzo.
Est-ce que Fallou Dieng est prêt à faire les démarches nécessaires pour réunir les anciens de Lemzo ?
Je l’ai une fois fait dans le passé et on a eu à faire des soirées. Mais malheureusement, cela n’a duré que le temps d’une rose. Parce qu’on a plus tous le même esprit de groupe. Les avis et les choix diffèrent. Il y a eu des gens qui ont refusé de rallier le groupe et il y dans le groupe des personnes qui ont des différents entre elles. Mais ce n’est pas à ignorer.
Aujourd’hui, il y a une relève qui dicte ses manières dans le monde musical. Par rapport à votre époque, si vous vouliez changer quelque chose sur le comportement des jeunes artistes, ce serait quoi ?
Il y a un conflit de générations, au même moment ou un père chante avec son enfant. On en est à ce stade. Ce qui me fait mal, c’est qu’il n’y a pas de correction dans la carrière des jeunes artistes. S’il y a de l’incorrection dans le comportement des jeunes artistes, cela peut être mal vu. Mais si l’on est bien éduqué et que l’on sait qu’on est un miroir pour les jeunes, normalement on doit être correcte, poli, positif et avoir un comportement décent. Mais les jeunes ne prêtent plus attention à ces aspects-là. Sur le port vestimentaire, il y a des artistes qui ne méritent pas d’être écoutés, ils s’habillent comme ils veulent et se parlent comme ils veulent.
Qui sont ces artistes ?
Je ne vais pas donner de nom. Mais ces personnes se reconnaitront. Elles doivent savoir qu’on est dans un pays où la majorité est musulmane et on doit tenir compte de nos réalités socio-culturelles. Que personne ne soit berné par son succès au point de croire que tout lui est permis. Les Sénégalais ne vont pas accepter qu’un artiste pollue leur atmosphère sociale. Je demande aux jeunes de faire preuve d’un peu plus de retenue dans leur carrière.
Aujourd’hui la tension politique est palpable au Sénégal. Quel regard Fallou Dieng porte sur tout cela ?
Je suis apolitique mais j’ai mon mot à dire. Les hommes politiques doivent être conscient de leurs faits et dires et ne pas verser dans des dérapages. Ce n’est pas un bon exemple pour les jeunes. Avec l’alternance de 2000, le Sénégal faisait partie des pays les plus démocrates, mais cette démocratie n’existe plus. Les hommes politiques se jettent des piques à tout bout de champ, ce qui ne fait pas partie des critères d’une bonne démocratie. On doit laisser Macky Sall faire son travail pour deux mandats, car je pense qu’un président qui ne fait qu’un mandat n’apporte rien de plus au peuple. C’est une perte de temps.
Source:lequotidien.sn