Diomaye Faye peut-il ramener le Burkina, le Mali et le Niger dans la CEDEAO ?

Le Sénégalais Bassirou Diomaye Faye, le plus jeune président d’Afrique, est soudain confronté à un défi de taille : réunir un bloc régional affaibli qui est plus vieux que lui.

Âgé de 44 ans, M. Faye a été chargé dimanche de ramener le Mali, le Niger et le Burkina Faso, gouvernés par une junte militaire, au sein de la CEDEAO, lors du sommet de l’organisation qui s’est tenu à Abuja, la capitale du Nigeria. Les trois pays ont quitté la CEDEAO et formé leur propre alliance après que les prises de pouvoir militaires ont rompu leurs relations avec leurs voisins d’Afrique de l’Ouest.

En tant qu’envoyé de paix soutenu par le président togolais Faure Essozimna Gnassingbe, M. Faye est considéré comme le meilleur des chefs d’État pour une mission visant à ramener les trois pays dans le giron de la coopération régionale.

Au-delà de l’attrait de la sécurité et de la collaboration économique, la bonne volonté de la CEDEAO s’est affaiblie ces dernières années, déclare Afolabi Adekaiyaoja, analyste de recherche au Centre pour la démocratie et le développement, centré sur l’Afrique de l’Ouest. Mais ce nouveau rôle offre à M. Faye l’occasion de rechercher éventuellement des réformes pour « une CEDEAO plus durable et plus autonome », a déclaré M. Adekaiyaoja.

M. Faye représente également l’opposé de ce à quoi les trois chefs militaires prétendent s’opposer.

Il n’était pas encore élu lorsque la CEDEAO, fondée en 1975, a imposé des sanctions sévères au Niger à la suite d’un coup d’État en juillet dernier. Le Niger a cité ces sanctions comme l’une des raisons pour lesquelles il a quitté la CEDEAO. Par ailleurs, la victoire de M. Faye lors des élections de cette année, qui ont été certifiées crédibles, contraste avec les scrutins truqués dans la région.

Dans son pays, M. Faye réexamine les anciens liens qui, selon les dirigeants de la junte, ont étouffé le développement de l’Afrique de l’Ouest, bien que le Sénégal reste un allié clé de l’Occident. Sous la direction de M. Faye, les autorités sénégalaises renégocient les contrats avec les opérateurs étrangers dans le pays et, selon le ministre des Finances Abdourahmane Sarr, « visent à nous libérer des liens de dépendance dans nos politiques publiques ».

C’est exactement ce que la junte veut entendre, selon les analystes. Depuis qu’ils ont chassé les gouvernements démocratiques du Mali, du Burkina Faso et du Niger, les généraux ont rompu les liens militaires et économiques avec les partenaires occidentaux traditionnels tels que les États-Unis et la France, estimant qu’ils n’avaient pas profité à leurs pays. Ce changement a permis à la Russie d’étendre sa présence dans la région.

« Comme les autres chefs d’État, il revendique la souveraineté et la rupture avec l’ordre ancien », a déclaré Seidik Abba, spécialiste du Sahel et président du Centre international de réflexion et d’études.

L’âge n’est pas non plus un simple chiffre dans le cas de M. Faye, ancien inspecteur des impôts. Même s’il est le plus jeune président d’Afrique, il est plus âgé que trois des quatre chefs militaires actuels de la région.

Lors de la réunion de la CEDEAO qui s’est tenue dimanche au Nigeria, M. Faye était encore l’un des plus jeunes. Le président du Ghana, Nana Akufo-Addo, était assis en face de lui. À 80 ans, il n’a que quatre ans de moins que le père de M. Faye.

Lors de sa visite au Nigeria en mai, le dirigeant sénégalais a présenté son âge comme un « atout » susceptible d’ouvrir une fenêtre de dialogue avec ses voisins.

Selon M. Abba, spécialiste du Sahel, la tâche de M. Faye, qui consiste à dialoguer avec les trois pays, ne sera pas facile. Selon lui, les trois pays ont des préoccupations plus larges concernant le fonctionnement de la CEDEAO, qui, selon eux, subit l’ingérence de pays étrangers tels que la France, leur ancien colonisateur.

La question se pose également de savoir quelle liberté Faye et le président togolais auront dans leur rôle d’envoyés sous une CEDEAO qui vient de réélire le président nigérian Bola Tinubu à sa tête.

Leur succès dépendra de « la manière dont les différents dirigeants pourront se coordonner et se mettre d’accord » sur les questions, a déclaré M. Adekaiyaoja du Centre pour la démocratie et le développement.

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