Fait rare en Iran, près d’un millier de femmes a été autorisé samedi à entrer dans un stade pour la finale de la Ligue des champions asiatique. Jamais autant d’Iraniennes n’avaient pu assister à un match de football.
« Quand les femmes sont arrivées, tous les hommes se sont levés pour les applaudir », rapporte la journaliste sportive iranienne Hedieh Khatibi. Cette dernière était présente, samedi 10 novembre, au côté d’un millier d’autres femmes iraniennes dans les tribunes du stade Azadi de Téhéran pour la finale de la Ligue des champions asiatique de football. C’est la première fois qu’elles sont admises en si grand nombre dans un stade.
Un évènement rare en Iran, où les femmes n’ont pas le droit de se rendre dans les stades pour voir des hommes jouer au football, officiellement pour les protéger de la grossièreté masculine.
Lors du match de samedi, les femmes, séparées des hommes, sont entrées après eux par une autre entrée. Elles étaient près de 1 000 « triées sur le volet », selon le quotidien réformateur Etemad, qui a indiqué que la plupart des supportrices avaient été choisies dans les familles des joueurs du FC Persépolis, ou parmi des joueuses de football ou de futsal. Seules les femmes inscrites sur cette liste ont été admises.
C’est grâce à cette autorisation exceptionnelle que la journaliste Hedieh Khatibia a pu couvrir l’événement depuis le stade et non derrière un écran pour le journal sportif « Goal ». « En passant par le tunnel menant au terrain, j’ai ouvert grands les yeux pour m’assurer de tout voir (…). C’était un rêve enfin devenu réalité. J’étais partagée entre les larmes et le rire », confie-t-elle à l’AFP. « C’était très émouvant, 80 000 hommes iraniens étaient debout par respect et soutien à l’égard des femmes iraniennes », raconte la journaliste.
« J’ai été invitée, mais je n’y suis pas allée parce que c’est insultant »
Si la double confrontation a été remportée par l’équipe japonaise de Kashima Antlers, au détriment du FC Persépolis, l’essentiel était ailleurs pour les journaux iraniens. Plusieurs ont salué comme une « victoire » la présence des femmes dans le stade Azadi. « Les femmes ont remporté le match de la Liberté », a titré dimanche 11 novembre en une Etemad. « Victoire des femmes iraniennes en finale asiatique », a également jugé Sazandegi, un autre quotidien réformateur.
Sahar Tolouee, journaliste au quotidien réformateur Shargh, ne partage toutefois pas cet enthousiasme. « J’ai été invitée, mais je n’y suis pas allée parce que c’est insultant (…). Me mettre sur une liste comme si c’était une bénédiction alors que c’est mon droit et celui de toutes les femmes de pouvoir se rendre dans un stade (…), c’est inacceptable », a déclaré à l’AFP cette fan du FC Persépolis.
Un débat sur l’allègement de l’interdiction a également agité les réseaux sociaux. « Je ne suis pas en faveur d’une présence sélectionnée et minime, mais je considère la présence de femmes aujourd’hui de bon augure », a tweeté la députée iranienne Parvaneh Salahshouri.
« La porte [des stades] est entrouverte […]. Nous devons tous pousser pour l’ouvrir complètement », a dit pour sa part Hedieh Khatibi, saluant « un pas dans la bonne direction ».
Les femmes dans les stades associées au « péché »
Depuis près de quarante ans, à la suite d’une décision prise rapidement après la victoire de la révolution islamique de 1979 en Iran, les femmes n’ont pas le droit de se rendre dans les gradins des stades. En 2001, pour la première fois depuis cette radiation des femmes, une vingtaine d’Irlandaises avaient pu assister à un match de football masculin dans un stade en Iran. Les Iraniennes, elles, ont dû attendre 2005. Et encore, cette fois-là, seules quelques dizaines de femmes avaient pu assister à une rencontre entre leur équipe nationale et le Bahreïn.
Depuis lors, des Iraniennes ont été autorisées à assister à des matchs de football masculin en de très rares occasions, et toujours en nombre limité.
L’interdiction des femmes dans les stades est régulièrement critiquée au sein même du système politique iranien. L’actuel président Hassan Rohani, un conservateur modéré, a lui-même dit à plusieurs reprises sa volonté de voir les femmes accéder aux stades.
Ce projet continue néanmoins de se heurter à l’opposition du clan ultraconservateur. Le 17 octobre, après que les autorités locales eurent autorisé la veille une centaine de femmes à assister à un match amical, le procureur général du pays avait ainsi averti qu’il ne laisserait pas se répéter pareille occasion, susceptible selon lui de mener « au péché ».
France 24