Depuis les attentats du 11 septembre 2001, le monde est entré dans une nouvelle ère, celle de la vulnérabilité globalisée. Le nombre d’attentats terroristes a explosé d’une manière inquiétante au point que le phénomène est devenu un enjeu géopolitique de premier plan pour tous les États. Le continent africain frappé par la porosité de ses frontières est de ce fait devenu une terre prisée par les personnes porteuses des idéologies djihadistes. C’est dans cette optique que le rapport produit par le Dr Bakary Sambe renseigne à suffisance sur les facteurs de la radicalisation des jeunes de la grande banlieue de Dakar.
Dans son rapport de 21 pages, le Dr Sambe qui a tenté de donner des définitions sur la radicalisation pense que dans une société fortement religieuse, la question tend davantage à distinguer ceux qui estiment que « radicaux » et « extrémistes » ont une mauvaise interprétation de l’Islam (32%), de ceux qui déplorent le recours à la violence au nom de l’Islam (25%). Seuls 7% des personnes interrogées considèrent qu’il s’agit purement et simplement d’une pratique rigoriste de l’Islam. Enfin, plus d’un tiers sont incapables de donner une ré- ponse – ce qui, en soit, constitue une donnée inquiétante.
Presque la moitié des jeunes interrogés estiment que ce sont la pauvreté et le chômage qui font le lit du terrorisme. Si on ajoute à cette donnée le manque d’éducation, y compris religieuse et le désespoir, l’on comprend pourquoi 68% des jeunes n’ont pas confiance en l’Etat et dans les services que ce dernier devrait assurer. À cet égard, il faut noter que seuls 15% des jeunes interrogés sont satisfaits de l’enseignement dispensé dans les écoles publiques.
Qui est responsable de la radicalisation des jeunes ?
Lorsqu’il s’agit de savoir qui est responsable de la radicalisation des jeunes, les réponses sont très éclatées. Si l’Etat – incapable de juguler la pauvreté et le chômage (cf. supra) – est pointé du doigt par 18% des jeunes personnes interrogées, ce sont les terroristes, les parents, voire les jeunes eux-mêmes, qui sont sur la sellette. Pour d’autres, la responsabilité est partagée entre les différents acteurs – l’Etat, la famille, la société. Alors que 6% estiment que l’Occident est fautif, 4% pointent les confréries « qui ne pratiquent pas une religion conforme à l’Islam »11 et 7%, les Ibadous « qui croient être les seuls à appliquer la religion comme il se doit ». Derrière ces chiffres se cache donc une perception bien différente du phénomène.
Selon le document, pour une frange importante des personnes sondées (7%), les Ibadous seraient les agents du terrorisme. Ils en prennent pour preuve leur rigueur religieuse et leur tenue vestimentaire. Il est important de noter que les jeunes Sénégalais désignent comme Ibadou tous ceux qui appartiennent à des mouvements islamiques non confrériques bien au-delà des membres effectifs du Mouvement Ibadou Rahmane. Ils mettent dans cette catégorie, sans distinction, des mouvements comme Istikhama et Al-Falah. Pour ceux qui se déclarent appartenir au groupe très composite des Ibadous, au contraire, c’est l’Islam confrérique qui constitue la principale cible terroriste car « l’Islam sénégalais n’est pas conforme avec le vrai Islam ».