«Gilets jaunes»: l’impact du mouvement sur l’économie française

Le gouvernement français tente cette semaine de déminer la crise des « gilets jaunes » Une course contre la montre est engagée, car une nouvelle manifestation est attendue pour samedi. D’ici là, le Premier ministre Edouard Philippe doit faire des annonces. Son ministre de l’Economie a, lui, promis des baisses de taxes, d’impôts, mais aussi des baisses dans la dépense publique après une réunion de crise avec les organisations professionnelles.

Bruno Le Maire en équilibriste. Le ministre français de l’Economie a tenté de rassurer les organisations professionnelles réunies autour de lui et de ses deux secrétaires d’Etat ce lundi matin, mais a fait aussi une annonce importante : la baisse des impôts, des taxes et de la dépense publique.

Sur les dégradations de samedi, le ministre n’a avancé aucun chiffre. Mais d’après plusieurs estimations, les dégâts lors des violentes émeutes ont causé plusieurs millions d’euros de pertes de chiffres d’affaires pour les commerçants, les hôteliers, la grande distribution, les autoroutes ou encore les banques. Sans parler de l’image catastrophique renvoyée par les violences. Rien que pour l’agroalimentaire, il faut compter « plus de 13 milliards d’euros de pertes », a annoncé l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA).

« Pas envisageable qu’il y ait un quatrième week-end de blocage »

Dans le centre du Paris touristique, entre les Champs-Elysées et les Grands Boulevards, au moins une vingtaine d’agences bancaires ont été saccagées. Les grandes enseignes ont dû fermer avant l’heure en plein samedi alors que les ventes se font en décembre. La priorité pour l’ensemble des représentants des commerçants, des artisans, des patrons, des hôteliers, de l’industrie est la restauration de l’ordre public, est de garantir l’accès aux zones bloquées, telles que les dépôts d’essence et les centres commerciaux. Ces derniers ont déjà perdu 15% à 25% de leur chiffre d’affaires.

Les violences et les dégradations ont eu un impact direct sur le secteur du tourisme en France. Selon une étude hébdomadaire du cabinet MKG Consulting, une baisse de réservation de 20% a été constatée dans les hôtels parisiens au lendemain des évenements très médiatisés dans les médias étrangers. Si ces évenements devaient continuer durant la période de fin de l’année, habituellement très prisée des touristes à Paris, les pertes pourraient se compter en millions d’euros.

Ce qui est important, ce sont les réservations pour la fin de l’année où nous avons une clientèle importante à fort pouvoir d’achat. Si le conflit dure, peut-être qu’il aura une incidence. Mais cette incidence ne peut être en aucun cas comparable avec ce que nous avons vécu auparavant avec les attentats.

Le délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution, Jacques Creyssel, ne cache plus son inquiétude en cette période stratégique pour l’économie française. « C’est naturellement une situation qui est extrêmement inquiétante pour l’ensemble du commerce. Situation qui fait qu’aujourd’hui de nombreux entrepôts sont bloqués, de nombreux magasins ont été fermés. Nous manquons de produits parce que ce matin (lundi) encore il y a des entrepôts qui ne peuvent pas fonctionner, des produits qui ne peuvent pas être dans les magasins. Nous avons répété au ministre qu’il n’était pas envisageable qu’il y ait un quatrième week-end de blocage de suite. C’est une période de l’année qui est extrêmement importante puisque le chiffre d’affaires d’un samedi en décembre, c’est deux à trois le chiffre d’affaires d’un samedi normal. »

Aucun secteur économique ne semble épargné. Les chiffres compilés par Bercy parlent d’eux-mêmes : 20% à 40% dans le commerce de détail, 15% pour certains marchés de gros et marchés de marchandise fraîche, et entre 20% et 50% dans la restauration. Signe que la situation empire, on observe pour la première fois une baisse dans les réservations hôtelières. Les professionnels du tourisme considèrent que les manifestations de samedi ont massacré l’image accueillante de Paris et de la France. Ils sont persuadés que les émeutes dans le Paris touristique en plus vont décourager les visiteurs étrangers.

L’industrie automobile est également touchée avec des pertes de commandes chez Renault et chez Peugeot.

Un péage à Virsac (Sud-Ouest) vandalisé par des personnes se réclamant du mouvement des gilets jaunes, le 21 novembre 2018.NICOLAS TUCAT / AFP

Quelles réponses économiques du gouvernement face à la crise ?

Autant d’impacts économiques qui risquent de s’aggraver, car la crise des « gilets jaunes » s’installe et s’étend. Bruno Le Maire a certes répété les mesures immédiates pour soulager les entreprises les plus touchées, comme le chômage partiel, les dérogations d’ouverture le dimanche pour les commerçants, l’accélération des indemnisations, mais elles ne répareront pas la totalité des pertes lourdes dans les différents secteurs.

Le ministre de l’Economie a également tenté d’apporter une réponse globale face à la fronde fiscale des « gilets jaunes » en annonçant « moins d’impôts, moins de taxes, et moins de dépenses publiques ».

Une prise de position importante. Jusqu’à présent, Bruno Le Maire s’était bien gardé d’en faire l’annonce. Selon lui, l’accélération de la baisse des impôts doit répondre aux « racines profondes de la crise sociale et démocratique » que vit la France.

« Les impôts sont trop élevés en France. Oui, les taxes sont trop nombreuses. Oui, le travail ne paye pas assez en France. Mais nous avons justement engagé une politique qui doit nous permettre de rompre avec ce modèle des 30 dernières années de toujours plus de dépenses, toujours plus de dettes et au bout du compte, toujours plus d’impôts pour ceux qui travaillent en particulier ».

Reste à savoir quelle forme va prendre cette baisse généralisée des impôts. Pas sûr pour autant que cette annonce vise juste, car dans les cortèges des « gilets jaunes », on ne se plaint pas de payer des impôts, mais que la taxe touche plus les revenus du travail. Bruno Le Maire n’a d’ailleurs pas annoncé le rétablissement de l’ISF, l’impôt sur les grandes fortunes, décidé par Emmanuel Macron, et qui aurait été perçu comme un gage de rééquilibre social.

C’est une semaine décisive qui s’annonce pour le gouvernement d’Edouard Philippe et d’Emmanuel Macron. Ils sont attendus au tournant par les opérateurs économiques, qui s’attendent au pire avec un quatrième samedi noir, et une majorité de Français qui soutiennent les « gilets jaunes ».

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