Le site d’informations Mediapart a publié jeudi une vidéo filmée en 1994 embarrassante pour les militaires français, accusés par des rescapés de passivité lors des tueries de Bisesero, pendant le génocide rwandais.
Mediapart a publié, jeudi 25 octobre, une vidéo filmée au Rwanda durant l’été 1994 par des militaires français, dans le cadre de l’affaire sur des soupçons de passivité de l’armée française lors des tueries de Bisesero fin juin 1994.
https://youtu.be/7iO7eeRzQ6o
Filmées le 28 juin 1994, les images, extraites des archives de l’ECPAD, l’agence audiovisuelle du ministère de la Défense, montrent le chef des opérations spéciales au Rwanda, le colonel Jacques Rosier, en pleine conversation avec l’un de ses subordonnés, qui l’informe que des assassinats de masse sont perpétrés contre des Tutsis, sur les collines de Bisesero.
« Hier, on était dans je ne sais plus quel patelin. Il y a eu des battues toute la journée. Dans les collines, des maisons qui flambaient de partout, des mecs qui se trimballaient avec des morceaux de chair arrachée », détaille l’officier. « Le problème, c’est que je ne sais pas comment ils font pour se soigner. Ils sont plein de plaies purulentes partout. »
Le colonel rétorque : « Eh ouais ». Le sergent-chef poursuit son récit et révèle également à son supérieur que le guide de l’armée française était probablement un génocidaire hutu : « On a évité un lynchage parce que le guide qui nous accompagnait, manifestement, c’était un des gars qui guidaient les milices dans les jours qui ont précédé. Alors quand on est tombés sur la bande de Tutsis qui fuyaient les collines, quand ils l’ont reconnu, il a fallu lever le ton, j’ai cru qu’ils allaient le lapider. »
« Éviter un déni de justice »
Selon Médiapart, la justice française, qui vient de clore une enquête ouverte il y a 13 ans sur des soupçons de complicité de génocide et de crimes contre l’humanité – sans qu’aucune mise en examen ne soit prononcée –, dispose de cette vidéo depuis 2013. « Elle lui a été fournie par un militaire qui fut membre de l’opération Turquoise au Rwanda », précise Médiapart.
De nombreux documents issus de l’armée, publiés par le site d’information, démontrent que la hiérarchie militaire avait été informée dès le 27 juin 1994, voire dès le 26, des massacres perpétrés à Bisesero et de l’urgence à intervenir.
Sur ces collines de l’ouest du pays, durant quatre jours, plus d’un millier de Tutsis ont été décimés par les milices hutues. Des survivants rwandais et plusieurs ONG accusent l’armée d’être intervenue trop tard à Bisesero, alors que le mandat de l’ONU pour une opération militaire française à but humanitaire – baptisée Turquoise – lui imposait de mettre fin aux massacres. Les militaires français ont toujours contesté cette version, affirmant avoir porté secours aux rescapés du carnage, après avoir découvert les faits, le 30 juin.
Fin septembre, plusieurs associations FIDH, LDH et Survie ont dénoncé la perspective d’un non-lieu dans l’enquête, et ont affirmé qu’elles restaient mobilisées « afin d’éviter un déni de justice », notamment en rassemblant tous les arguments et recours juridiques possibles pour empêcher une clôture précipitée de l’instruction.
France 24