La décision du gouvernement du Sénégal de fixer des quotas pour l’importation du riz ‘’n’est pas bonne’’, selon le Professeur El Hadj Aliou Diouf qui trouve que cette mesure n’est pas acceptée en matière de commerce.
En 2015, le gouvernement a fixé le quota des importations de riz à 500 000 tonnes. Il expliquait cette décision par le fait de vouloir écouler la production locale qui peinait à trouver preneur. Cependant, le commissaire aux enquêtes économiques, El Hadj Aliou Diouf, est contre cette mesure, dans le sens où ‘’le quota est interdit’’. D’après M. Diouf, qui a présenté le thème de l’atelier de formation des journalistes membres du Cojes sur ‘’les incidences du Brexit dans la signature de l’Accord de partenariat économique entre l’UE et l’Afrique de l’Ouest’’, un ‘’quota sur le riz n’est pas bon’’.
Il trouve ‘’inacceptable’’ que le gouvernement puisse faire certaines erreurs. ‘’Toutes les négociations depuis 1995 sont d’accord que la seule mesure de protection économique acceptée, c’est le droit de douane. Le quota est une restriction quantitative, parce qu’il ouvre la voie à la corruption’’, explique-t-il. Pour cela, M. Diouf trouve que le quota est ‘’mauvais pour le riz’’, car il ‘’tue la concurrence entre importateurs’’, ce qui peut entraîner une flambée sur les prix. Pour lui, la meilleure manière de faire la promotion du riz local est de taxer fortement le riz importé à 35%. Ainsi, dit-il, il sera peu compétitif par rapport au riz local.
Sur un autre registre, El Hadj Aliou Diouf, qui a fait une autre présentation sur ‘’l’histoire des relations UE-ACP avec les accords de coopération de Yaoundé de 1963 à 1975 et les conventions de Lomé de 1975 à 2000, déplore le fait que l’Afrique n’ait jamais fait le bilan de tous ces accords. Le seul bilan qui a été fait sur cette coopération, dit-il, est l’œuvre des Européens qui ont fait des ‘’concertations informelles et osaient dire que ça ne marche pas’’. En effet, ce bilan, qui est contenu dans ce qu’on appelle le livre vert, révèle que l’aide financière qui a été accordée aux Etats africains dans le cadre de ce partenariat avec l’Union européenne ‘’n’a pas eu les effets escomptés sur la réduction de la pauvreté dans les pays ACP’’. Pour cela, l’étude demande un maintien de la coopération entre les deux parties, mais dans ‘’un cadre rénové et élargi’’.
…Et tacle le manque de vision et de stratégie de l’Afrique
Selon le consultant du jour, malgré les efforts faits par les pères fondateurs de l’Afrique indépendante, le continent n’a toujours pas réussi son intégration économique. Pour lui, les Etats africains ne font qu’imiter le colonisateur, au moment où des pays asiatiques qui ont subi les effets de la colonisation dépassent aujourd’hui des puissances qui comptent dans le concert des nations. ‘’Il nous faut une autre gouvernance de nos pays, une autre vision stratégique. L’Afrique est le seul continent qui manque de stratégies’’, déplore-t-il.
Pourtant, les Africains doivent, à son avis, ‘’penser stratégie’’, c’est-à-dire : ‘’comment mettre en commun les richesses africaines ? Comment développer des champions africains dans les différents domaines ?’’ ‘’En Afrique de l’Ouest, aujourd’hui, il n’y a aucune compagnie maritime régionale. Si les Africains veulent accroître les échanges intra régionaux, il faut qu’ils soient capables de mettre en place les infrastructures qu’il faut. S’ils veulent attirer les investissements directs, à la fois africains et étrangers, ils doivent non seulement avoir des stratégies sectorielles mais une vision stratégique’’, propose-t-il.
Au-delà de l’intégration, les pays africains doivent aussi aller vers l’industrialisation. El Hadj Aliou Diouf croit fermement que l’industrialisation est bien possible et ‘’l’Afrique ne peut pas s’en passer’’. Avec l’industrialisation, le continent peut transformer ses matières premières et éviter d’exporter des produits bruts. Prenant l’exemple du Sénégal qui, dit-il, a ‘’deux avantages comparatifs : l’arachide et le poisson’’, jusqu’à présent, rien n’a été fait pour la transformation de l’arachide. Or, explique l’ancien directeur du commerce intérieur, tous les pays font de l’agriculture pour fournir leurs propres industries. C’est seulement l’excédent qui est exporté dans le marché mondial. ‘’Même pour le riz, l’Inde et la Chine le font pour leur propre consommation. Chaque année, l’Inde nous vend les réserves de l’armée indienne d’il y a 10 ans’’, explique M. Diouf pour qui le développement de l’agriculture et de l’industrialisation vont de pair. ‘’Nous ne pouvons pas développer ce pays sans avoir une industrialisation. Il faut qu’on ait aussi des politiques rigoureuses’’, conseille-t-il.
Etre une puissance commerciale
Avec des industries, les pays pourront désormais exploiter les produits forestiers, agricoles et halieutiques et par ricochet transformer leurs économies. ‘’L’Afrique ne manque pas de côtes, de mer, de produits halieutiques, de richesses du sous-sol. Le pétrole africain est de très bonne qualité. Avec cela, on peut avoir de l’énergie et être en mesure de faire beaucoup de produits qui ont une valeur ajoutée’’, informe-t-il. Toutefois, le consultant estime qu’il y a de quoi être optimiste et éviter le pessimisme de ceux qui veulent continuer à dominer le continent et qui font croire aux Africains qu’il n’y a plus d’espoir. Pour lui, les potentialités dont regorge le continent dépassent de loin celles de plusieurs puissances économiques mondiales. Ainsi, il croit avec fermeté que l’Afrique peut être à la fois une puissance économique et commerciale, mais à condition qu’elle puisse ‘’identifier ses priorités et apporter la rigueur qu’il faut pour mettre en place les politiques qui vont demain développer l’Afrique’’.
Auteur: ALIOU NGAMBY NDIAYE – EnquetePlus